13 : La maladie bipolaire serait-elle fatalement le malheur de l’autre ou la déchirure du couple ?
31/12/2007
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Mercredi 16 mars 2005
08h30
Pour ma part, je sais ce que c’est que d’être ? accompagnatrice ? ; je n’aime pas ce mot car il implique qu’il y a un rôle prédéfini pour chacun hors on parle de personnes â part entière; Puisque ma mère est BP depuis toujours, donc j’ai appris â me poser les questions de comment agir face â tous les aspects de la maladie. Il n’est pas facile pour une petite fille, adolescente, adulte, de prendre en charge toute la maison ou de chercher â contrôler les manies ou, le plus difficile : l’amener â se faire soigner, ce qui a pris de nombreuses années.
Ne jamais abandonner. Pourquoi ?
Bien sûr parce que c’est ma mère. Mais aussi et surtout car j’avais â coeur de devenir humaine. Ce n’est pas facile ? Non, pourtant je ne crois pas que l’on puisse gagner ses humanités en faisant l’impasse â chaque fois que c’est une épreuve douloureuse. Même s’il a fallu des années pour qu’elle accepte de se soigner, j’ai pu être en mesure de ne pas prendre les choses contre moi personnellement, de détecter quand je ne devais pas la laisser seule, et savoir quand, justement, elle était assez bien pour vaquer â mes activités.
En ce qui concerne mon conjoint, c’est en quelque sorte en partie dans le même registre â ceci prêt que nous nous choisis et avons découvert l’amour l’un avec l’autre. Quand mon côté BP s’est déclaré, il était déjâ dans cet esprit : ? quelle sorte d’humain je veux devenir ? ?. En ce répondant â lui-même, il a répondu â mon côté BP. Il a appris â savoir agir quand je débloque. Ceci ne s’est pas fait sans dialogue, bien au contraire. Il ne me porte pas â bouts de bras, il ne passe pas tout son temps auprès de moi sous prétexte que j’ai mon côté BP. Il a confiance en ma personnalité, cette partie de moi qui dialogue pour le prévenir.
Exemples : ? j’ai mal ? il sait que c’est de la dépression ? ? silence ? il sait que je suis sur les nerfs ? ? moulin â parole ? il sait qu’on va papoter et c’est pas un mal de parler dans un couple ? ? crise d’angoisse ? il reste â côté et selon ce que je peux supporter il me parler ou me prend les mains ? ? s.o.s ? il écrit un émail au psy ou vient me chercher dans la rue où je suis perdue ? ? je veux pas prendre ce médicament ? il cherche tous les moyens pour me faire entendre raison, ? automutilations ? il ne me perd pas des yeux, etc? il y a beaucoup d’exemples. Tout cela pour montrer qu’â force de dialogues, je n’ai plus besoin de m’étaler pour qu’il sache quoi faire et quand.
Il ne se prive pas le moins du monde de ? vivre sa vie ?. Sa soupape consiste â me savoir bien, c’est quand je vais mal qu’il souffre le plus. Ce n’est pas du registre du sacrifice, du sacerdoce, c’est sa liberté. J’ai longtemps repoussé son aide par culpabilité, parce que je ne voulait pas en faire un garde malade, j’ai beaucoup cherché â faire appel â sa partie ? mais vis ta vie ! ? ? Ne gâche pas ta vie et tes bonheurs pour moi ! ? ? Séparons-nous, plutôt que je t’impose tout ceci ! ?. Hors, il vit totalement heureux et accompli avec moi sans renoncer â ses projets, désirs. On vit une expérience ensemble, comme deux humains, sans ? se prendre la tête sur toi malade et toi faire boulot du non malade ?, comme deux personnes qui se tirent vers le bonheur.
Pourquoi la maladie de l’un serait-elle fatalement le malheur de l’autre ou la déchirure du couple ?
Dans les couples ? normaux ?, si l’un est triste, l’autre réconforte, si l’un dépense l’argent, l’autre met le frein. En tant que BP, ce ne sont pas des épisodes mais des évènements fréquents. Est-ce pour autant que le plus ? équilibré ? doive s’épuiser ? Lorsque j’étais épuisée face â ma mère, c’était parce qu je jouais aux bonne soeurs (expression ! Je n’ai aucune vision péjorative des nones). Lorsque j’agissais par amour, c’était naturel et non pas lourd.
Dans la famille de mon conjoint, il y a une charge assez significative de troubles de l’humeur : Le frère est limite BP (diagnostic non fait), la mère a une grande tendance dépressive et le père est BP (diagnostic non fait) avec qui le dialogue n’a jamais été vraiment présent ni les sentiments, du coup c’est perçu comme un effort â contre coeur que d’être présents.
Les deux questions fondamentales que l’on se pose sans cesse : quelle sorte d’humain voulons nous devenir ? A quel point sommes nous prêts â dialoguer autant qu’il le faut pour qu’on se comprenne.
C’est â partir de ces deux questions (la première est la plus difficile sans conteste) que l’on fait notre bonheur.
J’ai bien lu tous vos posts et j’ai bien compris cet esprit de compassion pour les ? accompagnateurs ?. Je suis réellement en mesure de comprendre ce qu’ils veulent exprimer, et ne suis pas insensible â vos arguments, bien au contraire.
Il se trouve que nous sommes en mesure de vivre paisiblement ces aspects de la vie, et nous le souhaitons pour tous, BP ou non, y compris pour les couples ? normaux ? chez qui certains évènements horribles peuvent avoir raison de leur promesse de toujours construire â deux.