Fragments de suivi
31/12/2007
Témoignages > Se soigner
Alternance anticyclones et dépressions
Je suis dans un état proche de l’Ohio comme aurait dit Gainsbourg. J’alterne les humeurs aussi sûrement qu’un climat de haute montagne. C’est très difficile à vivre autant pour moi que pour les autres. Anticyclone et Dépression ne font pas bon ménage et mes hectopascals s’affolent sur un baromètre instable.
Depuis jeudi, je me lève quasi comateuse, avec des douleurs dans le corps, des douleurs partout de la tête aux pieds, et il faut quelques heures pour que cela cesse. Ensuite, ce sont les micro migraines, c’est-à-dire, des migraines très fortes de 5 minutes environ avec une sensation de température élevée. Je n’ai plus d’énergie, plus de force, juste la force de ne rien faire et c’est déjà beaucoup. Le positif dans tout cela, je ne fais pas de sieste !
Du côté du moral, c’est difficile également depuis jeudi. Je recherche de nouveau la solitude. Communiquer me demande un effort. Je n’ai pas, fort heureusement, d’envie d’automutilation ni de suicide. Je passe du rire aux larmes en quelques secondes. Je me lasse des gens. J’arrive encore à contenir mes colères mais je dis ce que je pense avec calme et froideur. C’est terrible cette honnêteté qui m’envahit depuis quelque temps : je ne m’y habitue pas !
Je ne peux m’empêcher de voir en moi un peu du héros de ce cher John Kennedy Toole dans "La Conjuration des Imbéciles". Le Héros et son Auteur étaient-ils Bipolaires ?
Et puis il y a mes "hypomanies" qui persistent : j’achète sur Internet mais comme je suis fichée Banque de France et en sur endettement, toutes les merveilles que je commande n’atteindront jamais ma boîte aux lettres mais atteignent mon ego. Je crois encore parfois être plus forte que le système.
Mes peurs et appréhensions
Je ne sais pas qui je suis et qui je vais devenir. Suis-je en dehors de la maladie quelqu’un de bien ? Je ne sais pas. Je suis rongée par les doutes, les réflexions hantent mes heures. J’ai peur de ne pas réussir à vivre : tout se bouscule pêle-mêle et se traduit par une overdose de ménage : jamais mon appartement n’a été aussi coquet ! Je considère votre diagnostic, vos paroles comme la venue prochaine de ma naissance : 10 années de gestation vont sans doute m’offrir le bonheur d’être, tout simplement.
Je vous renouvelle toute ma confiance et le combat est rude avec ma psychiatre et ma généraliste. Toutes deux pensent que le fait de confier ma santé à vos soins est purement suicidaire. Il existe dans ma région une sorte de racisme envers les praticiens parisiens ! J’ai choisi mon camp et c’est à vous que je laisse la lourde charge (avec ou sans jeu de mots !) de m’aider.
Je suis une patiente impatiente certes mais je suis vos conseils à la lettre : j’ai même commandé le livre de Saul Bellow ("Herzog").
Je suis ravie que vous preniez le temps de lire La Conjuration des Imbéciles. C’est le livre essentiel de ma vie depuis 10 ans pour une raison que j’ignore. Sans doute est-ce parce que je comprends autant l’auteur que le héros. Notre lien est devenu encore plus fort le 20 novembre 1999 lorsque l’homme de ma vie a choisi de partir à la "John Kennedy Tool" dans sa Volvo. Ce fût ma première pensée lorsque j’ai appris la mort de Fabrice et c’est pour cela que j’ai longtemps entretenu ma relation avec ce fantôme devenu mon idole. C’est aussi à partir du 20 novembre 1999 que j’ai commencé ma splendide ascension de 70 kg à 140 kg et que j’ai adopté le comportement du héros de la Conjuration des Imbéciles.
trois semaines de souffrance
Trois semaines de souffrances s’achèvent enfin. C’est terriblement long. Que dire de ces souffrances quand elles sont aussi bien physiques, morales, spirituelles et qu’à celles-ci se rajoutent des pensées qui accentuent les effets néfastes de la dépression. Oui, puisque ces souffrances ont un nom : DEPRESSION.
J’ai bien cru mourir : je n’étais qu’un déchet non recyclable traînant au gré du vent sur le bas côté d’une chaussé mal formée qu’est la vie.
Mon corps était engourdi, lourd, pesant et fatigué de tout.
Ma tête était comme ivre et blasée avec un poids à l’arrière.
Mes émotions ne ressentaient que le négatif avec cette empathie nouvelle, je devenais le souffre-douleur de l’humanité : qui devais-je remercier pour cette promotion ? Etre celle qui a mal à la place des autres pourrait me rapporter une petite fortune ? A méditer !
Mon meilleur ami, durant ces trois semaines de calvaire, c’est suicidé. Enfin, disons que je lui cours après et qu’il ne veut pas de moi. Je le séduis, je fais "ma belle", "l’ultra dépressive", mais je ne lui plais pas... Et c’est tant mieux ! Il ne me mérite pas pour la simple et bonne raison car l’heure où j’écris ces quelques mots, je suis heureuse, je suis bien et j’aimerais que cela soit encore plus intense, mais surtout que cela dure.
Achats, boulimie, jeux...
Je ne me comprends plus. Je prends mon traitement régulièrement, à heure fixe et rien ne va plus selon moi et selon les personnes qui me "vivent" au quotidien.
Voici la liste des changements que j’ai remarqués au cours de ces deux derniers mois :
Phase de lucidité étrange
Déjà 14 jours que je suis sous Ritaline et comme vous me l’avez demandé, je vous écris pour faire un point.
Je suis un peu plus active c’est vrai. Mais je suis surtout active du "cerveau". Je pense beaucoup. Je suis atteinte de "lucidité". Je vois la réalité en face, tout le travail que j’ai encore à faire, toute la construction, la reconstruction qu’il me reste à faire et je ne vous cache pas que les envies suicidaires ont été nombreuses.
Je m’assaille de questions, je m’interroge sans cesse.
Cette phase de "lucidité" est assez étrange et j’éprouve le besoin d’être encadrée. Une longue conversation avec mes parents m’a fait un grand bien. Je pense sérieusement partir à la recherche d’un psychologue. En effet, ce duel avec la réalité me confronte pour la première fois avec le sérieux de mes blessures, c’est-à-dire mon passé. Je perçois fortement mes failles, je sais que je ne suis pas encore solide, que le travail est encore long.
Pourquoi suis-je toujours double avec le temps
J’ai beaucoup de mal à m’évaluer chaque jour pour le tableau mensuel des humeurs. En effet, je me sens double. D’un côté il y a l’apparence extérieure où j’ai retrouvé une certaine jovialité, un peu de mon sens de l’humour, une personnalité se dessine. De l’autre, il y a la vie bouillonnante intérieure faite de pensées, de tourments, de peurs, d’aller et de recul, sans vraiment d’angoisses, mais pleine de batailles, de guerres, de négatifs pour résumer. Ma tête m’empêche d’avancer.
Cette double personnalité me perturbe beaucoup et ne se transcrit pas dans le tableau. Ritaline l’a révélé. D’un côté je vois mes progrès et de l’autre le travail qu’il me reste à faire. C’est à double tranchant. C’est beaucoup pour une seule personne parce que d’un côté je me sens mieux et de l’autre j’ai peur de rechuter car je connais trop bien les réalités de mes failles. Je veux construire avec du solide et être stable. Je veux reprendre mon travail en étant forte psychologiquement (et pas physiquement !!!) car personne ne me fera de cadeau.
Pourquoi suis-je toujours double avec le temps ?
Pourquoi ai-je des problèmes importants de mémoire ? De concentration ?
Est-ce un signe d’amélioration si pour la première fois je n’ai pas eu de changement d’humeur lors de ma période d’ovulation ?
il y a urgence. Il faut réparer mon corps et mon âme
Difficile d’expliquer ce qui se passe.
J’avale chaque jour plus de 30 comprimés et les pathologies se succèdent, s’amoncèlent montrant à quel point la nature ne m’a pas gâtée.
J’ai 31 ans, je suis bipolaire (Epitomax, Effexor, Ritaline, Téralithe), j’ai un goitre avec les T4L basses (Lévothyrox), j’ai une hernie hiatale (Mopral), la ferritine très basse (Ferro-Grad Vitamine C), une fatigue chronique (magné B6), les ongles qui se dédoublent et les cheveux qui tombent (Lobamine Cystéine), et enfin une nouvelle maladie de peau génétique qui me conduit à une antibiothérapie prophylactique au long cours (Minocycline).
J’ai subi 9 interventions chirurgicales en 1 an et demi à cause de cette nouvelle maladie de peau génétique (merci la loterie de la vie !) dont une sous AG le 1er juillet dernier. Une autre est à programmer.
Alors depuis vendredi soir dernier, date du dernier problème de peau non mérité, je suis comme obsédée par une histoire que j’ai vécue en 1999, une promesse que je m’étais faite et que j’avais tenue. De nouveau ce pacte me hante et me met de bonne humeur paradoxalement comme à l’époque.
J’avais une vieille voiture, une bonne grosse diesel, mais je l’aimais bien, sans elle, je n’étais rien. Elle avait un problème de fond : le système électrique était défaillant et elle tombait souvent en panne. Il y avait des parades pour ce problème de fond. Mais parallèlement, cette voiture accumulait d’autres pannes. Il ne se passait pas une semaine sans une panne. Un jour, je me suis fait la promesse qu’à la prochaine panne je ne réparerais pas et que cela en serait fini de cette voiture. La panne suivante est arrivée, c’était le câble d’embrayage : je ne l’ai pas fait réparer, j’ai donné la voiture au garagiste. Le comble de cette histoire : ma voiture au lieu de mourir dans une casse, a eu une deuxième vie.
Je ne sais pas quelle est la morale de cette histoire, ni quelles conclusions il faut en tirer.
Tout ce que je sais c’est que je n’arrête pas de penser à ça. Je me fais penser à ma voiture. Il m’arrive de ne plus avoir envie de me réparer tellement les pannes sont nombreuses, tellement elles s’enchaînent en ce moment.
Il y a un peu plus de 2 semaines je crois, j’ai donné ma "Collection" à ma Généraliste puisque les idées suicidaires n’étaient plus d’actualités. Elle m’a dit que le colis que je lui ai remis était mortel. J’étais fière de mon geste, fière de dire de nouveau bonjour à la vie, soulagée du poids de ma "Collection".
Et puis mon corps me trahit, se rebelle : la thyroïde se fatigue, il faut m’opérer au niveau dermato, j’enchaîne différentes classes d’antibiotiques, je suis fatiguée, très fatiguée. Flashback : l’histoire de la voiture et de ses pannes. J’alterne entre larmes et euphorie à ce sujet.
Je reprends le travail en septembre : il y a urgence. Il faut réparer mon corps et mon âme. Le problème, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de faire confiance à l’un comme à l’autre !
Ma vie est une succession de cycles
