Charge allostatique, cortex préfrontal et amygdale
14/07/2014
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Dans ce contexte, lʼhypothèse de travail repose sur lʼidée que les patients manifestant des difficultés dʼadaptation présenteraient une asymétrie dʼactivité préfrontale au profit de lʼhémisphère droit (le centre des émotions). Il convient également de souligner que ces différences individuelles dʼasymétrie préfrontale ne sont une propriété stable que chez lʼadulte, ce qui témoigne de lʼexistence dʼune plasticité fonctionnelle – et probablement structurelle – du cortex préfrontal durant lʼenfance et la prime adolescence. Enfin, les mécanismes qui médiatisent la capacité dʼextinction relèvent probablement dʼune connectivité fonctionnelle entre cortex préfrontal et amygdale, la région préfrontale exerçant, en situation physiologique, une action inhibitrice sur lʼactivité de lʼamygdale. En lʼabsence dʼinhibition physiologique en provenance du cortex préfrontal gauche, le maintien de lʼactivité amygdalienne serait en effet responsable de la persistance dʼaffects négatifs à la suite dʼun événement stressant.
Par ailleurs, la question des relations qui unissent différents secteurs du cortex préfrontal entre eux et avec le complexe amygdalo-hippocampique pourrait sʼavérer critique dans lʼexamen des substrats neurobiologiques des processus psychologiques. Les rôles respectifs du cortex préfrontal dans ses composantes médiale (motivation, approche), latérale (contrôle exécutif, cognitions dʼordre supérieur) et de lʼamygdale (expérience et expression émotionnelles de la peur) dans les constructions conceptuelles du ça (motions pulsionnelles), du surmoi (jugement « moral ») et du moi (rapport à la réalité) constituent un axe de recherche important. Une activité tonique dʼune amygdale non inhibée pourrait expliquer lʼexistence de symptômes émotionnels résultant de conflits dont le contenu nʼest pas directement accessible à la conscience.
Lʼhypothèse dʼune voie descendante, inhibitrice, courant du cortex préfrontal vers lʼamygdale vient de trouver confirmation dans une étude en résonance magnétique fonctionnelle chez des patients souffrant dʼétat de stress post-traumatique. Les auteurs ont comparé la réponse de lʼamygdale et du cortex préfrontal médial à la présentation dʼexpressions faciales de peur ou de bonheur – stimuli affectifs non liés au trauma – chez 13 hommes souffrant de syndrome de stress post-traumatique (PTSD) et chez 13 autres hommes, eux aussi exposés à un événement traumatique mais ne souffrant pas dʼun trouble psychiatrique (groupe témoin). Ils ont mis en évidence, dans le groupe PTSD, une exagération de lʼactivation amygdalienne en réponse aux expressions apeurées par comparaison aux expressions heureuses, une réduction de lʼactivité dans le cortex préfrontal médial et une corrélation négative entre les niveaux de changement dʼactivité de ces deux régions. De plus, il y avait une corrélation négative entre la sévérité des symptômes de PTSD et les changements de signal dʼactivité dans la région préfrontale médiale. Enfin, par comparaison au groupe témoin, il existait dans le groupe PTSD un défaut dʼhabituation de la réponse amygdalienne droite aux stimuli apeurés versus heureux, mais cette différence nʼatteignait pas la signification statistique selon les critères fixés a priori par les investigateurs. Des travaux antérieurs, réalisés dans le même laboratoire notamment, avaient déjà révélé lʼexistence dʼune hyperréactivité isolée – cʼest-à-dire nʼimpliquant aucune connectivité fonctionnelle – de lʼamygdale dans le PTSD, en réponse à des stimuli dʼexpression faciale apeurée, non liés au contexte traumatique et de plus présentés de sorte à ne pas permettre une reconnaissance consciente des stimuli (durées de présentation subliminales, de 33 millisecondes, au lieu des 200 utilisées dans des paradigmes de présentation « ouverte »). Ces données indiquent que des indices spécifiques impliquant la peur, mais pas nécessairement le rappel du contexte traumatique, suffisent, même sans accès conscient, à évoquer une activation amygdalienne. Celle-ci ne serait pas modulée, puisque dʼautres régions cérébrales nʼont pas vu leur niveau dʼactivation se modifier, ce qui pourrait confirmer lʼabsence dʼimplication de structures corticales, notamment préfrontales, dans des processus non conscients de traitement émotionnel. Ces résultats, en revanche, ne permettent pas de dégager des hypothèses quant au rôle éventuel de lʼactivité amygdalienne dans la genèse interne dʼexpériences émotionnelles « spontanées », cʼest-à-dire, plus probablement, répondant à des stimulations en provenance du milieu intérieur, somato-sensorielles ou sous la forme de diverses modalités dʼétats de la conscience.
Lʼhippocampe, quant à lui, représente lʼune des principales cibles des effets délétères de la charge allostatique. Il se trouve, en effet, au centre de processus de plasticité cérébrale en réponse au stress, et ce même chez lʼadulte. Ces processus de plasticité permettent dʼexpliquer certaines des composantes des phénomènes de sensibilisation biologique et des effets à long terme du stress sur la mémoire (biologique, cognitive et émotionnelle). Lʼhippocampe, structure sous-corticale située dans les profondeurs du lobe temporal à proximité de lʼamygdale, exprime deux types de récepteurs aux stéroïdes surrénaliens et est sous lʼinfluence des hormones gonadiques, androgènes et œstrogènes. Le stress chronique induit une atrophie dendritique dans plusieurs sous-structures hippocampiques, probablement par lʼaction dʼaminoacides excitateurs (glutamate, NMDA). Cette atrophie peut être prévenue par la phénytoïne (bloquant du glutamate). Autre manifestation de plasticité cérébrale longtemps insoupçonnée, la neuro-genèse qui se produit dans lʼhippocampe adulte est inhibée par le stress psychosocial, les glucocorticoïdes – probablement via les récepteurs NMDA –, alors que la sérotonine (5HT) et lʼIGF1 (facteur de croissance ressemblant à lʼinsuline) la stimulent.
Références
