Trouble BP-IV = dépressions hyperthymiques
11/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Spectre bipolaire : dépistage
Trouble BP-IV
Dans la nomenclature du "spectre bipolaire", il y a la forme désignée "BP-IV" qui correspond aux dépressions associées à un tempérament hyperthymique.
Les dépressions associées à ce tempérament surviennent à un âge plus tardif par rapport à celles qui dérivent dʼun tempérament dépressif, et se caractérisent par une expression clinique, souvent de nature sanguine et mixte (p. ex. manque dʼénergie associée à une hyperactivité mentale intense ; tristesse associée à des pulsions sexuelles intenables). Cʼest forcément une dépression mixte, car la dépression représente une inversion de la polarité du tempérament de base.
Lʼépisode dépressif représente un contraste flagrant vis-à-vis du fonctionnement pré-morbide du sujet qui va mal tolérer le vécu dépressif. En effet, une personne hyperthymique ne sait pas ce que cʼest être dépressif.
De plus, une autre particularité, est la comorbidité anxieuse chez les hyperthymiques : présence fréquente des attaques de panique et dʼune forte anxiété de séparation.
Hyperthymie : Que la force soit avec toi
Ce tempérament correspond à des traits stables dʼextraversion, dʼénergie excessive, de chaleur et de combativité. Les sujets sont décrits comme chaleureux, gais (parfois irritables), extravertis, bavards, avides de contacts sociaux, optimistes, exubérants, vantards, trop confiants en soi, assurés, pleins de projets, vigoureux, entreprenants, non-conformistes, indépendants, désinhibés, intrusifs, se mêlant de tout, avides de sensations, avec trop de promiscuité, et courts dormeurs... On comprend pourquoi ce tempérament sévit chez les sujets au sommet des hiérarchies.
Les traits sont hautement adaptatifs dans les sociétés favorisant et récompensant le succès, la réussite sociale et hiérarchique, la compétition, lʼaccès au pouvoir. Ces traits sont socialement désirables. Malgré les excès et lʼaspect pressant - intrusif de ce tempérament, les sujets hyperthymiques compensent par leur générosité, ce qui les rend assez populaires ! Rien dʼétonnant à ce que beaucoup de personnalités politiques soient de cette nature.
LʼHyperthymie est le tempérament des VIP, des gagneurs, des battants, des sujets « self-made ». Ces sujets sont rarement vus en consultation psychiatrique, sauf dans les phases de dépression. Pour ces raisons, ce tempérament nʼa pas reçu autant dʼintérêt que le tempérament cyclothymique dans la recherche psychiatrique Je rencontre fréquemment ce genre de tempérament chez les PDG et mes collègues (surtout les chefs de service et les conférenciers internationaux).
Cependant, tout nʼest pas positif et lumineux dans lʼhyperthymie. Les troubles du jugement social, lʼactivité sexuelle débordante et les problèmes financiers contribuent à assombrir la luminosité de ce tempérament, en blessant les proches et en altérant la santé du sujet. Lʼabsence dʼinsight et lʼhypertrophie du déni limitent de manière sensible lʼaccès aux soins et la demande dʼaide en psychiatrie, même si leurs comportements et décisions ont déjà induit des désastres personnels.
Quand un épisode dépressif se greffe sur le tempérament hyperthymique (cʼest le cas du trouble « BP-IV »), le sujet peut complètement nier ou ne pas réaliser quʼil est dépressif. Comme on dit, il a une nature anti-dépressive. Cette nature permet au sujet de se déconnecter systématiquement des sensations désagréables ou de passer le minimum de temps à se faire sa propre introspection. Ces sujets ne savent pas ruminer leur souffrance ou détresse (ou nʼont pas le temps de le faire). En revanche, ils sont des champions de lʼaction, des obsédés de la gloire et du succès, des acharnés au travail, des dépendants au sport, au sexe et aux jeux.
En bref, un hyperthymique est un actif, intense, stable, positif, gai, plein dʼénergie, à la limite de lʼexubérance
Pour évaluer lʼhyperthymie = questionnaire de tempérament hyperthymique
Dans la pratique psychiatrique
Les sujets hyperthymiques viennent consulter soit quand la qualité de leur sommeil est détériorée, ce qui dérange sensiblement leur fraîcheur physique et paralyse leurs agendas hyper chargés. On parle dans ces cas de dépression dʼépuisement ou de « Burn Out ». Dans la conception dynamique classique, on parle de dynamisme artificiel (ou de surface) compensateur contre des sentiments profonds dʼinsécurité ou de tendances dépressives archaïques.
Dans dʼautres occasions, cʼest quand la personne hyperthymique présente un accès maniaque dans ce cas, la crise maniaque est franche, euphorique et intense qui nécessite souvent une hospitalisation. Cette forme de manie est assez sensible aux sels du lithium.
Le sexe de lʼhyperthymie
Le tempérament hyperthymique est naturellement plus présent chez les hommes, une réalité qui explique certains aspects de lʼévolution (guerre, défense du territoire, prise de risque). Certains experts pensent que le style dʼéducation classique est plus favorable pour développer lʼhyperthymie chez les garçons. Certaines femmes hyperthymiques se plaignent dʼavoir été bloquées dans leur enfance
Robert, 45 ans, homme dʼaffaires, ayant créé trois entreprises. Il se décrit comme une personne de nature optimiste, infatigable, confiant, battant, fougueux, plein dʼidées et de projets, sensible aux activités agréables, éloquent, sʼamuse, sociable, préférences pour être tout le temps le « boss ».
Cependant, il relate quʼon lui reproche dʼavoir souvent la pensée unilatérale (avoir tout le temps le dernier mot), la prise de risque, son côté excessif dans tout (ce qui fatigue les autres qui sont proches), parfois intrusif dans lʼintimité des autres (on me dit que je ne respecte pas le territoire psychologique des autres « mais cʼest plus fort que moi » « je ne le fais pas exprès » ce nʼest pas volontaire de ma part) .
Dans son enfance, il est surtout décrit comme un enfant de lʼaction, increvable, aimant le sport, se jetant dans les activités parfois sans réfléchir (limite de lʼimpulsivité).
Robert a un tempérament hyperthymique, une nature qui aime lʼaction et a le sens inné de commander les autres. Cʼest lʼétoffe des meneurs. Ce sont des personnes physiques plutôt quʼintellectuelles, qui aiment manger et sont plus souvent gourmands que gourmets. Ces personnes attachent une grande importance à leur image et à leur santé, car elles veulent toujours être bien perçues par les autres. Vieillir les angoisses. Les tempéraments sanguins sont égocentriques, et ont besoin de lʼattention de leurs semblables, dʼun public ou de témoins de leurs actes. Il nʼest pas donc étonnant quʼils manifestent une fragilité particulière : lʼanxiété de séparation. Il ne faut pas les quitter !
Dans lʼenfance
On parle des enfants de tempérament « actif », qui possèdent une ardeur difficile à surpasser ; leurs passions et détermination en font des leaders naturels ; Pour eux, toutes les raisons sont bonnes pour sʼactiver ; ils se jettent facilement dans lʼaction à lʼopposé des émotifs, ils ne souhaitent pas être perçus comme des victimes et nʼont pas besoin dʼêtre sécurisés avant dʼagir.
Selon Rothbart, une experte internationale des tempéraments des enfants, la dimension « Extraversion » (cf. plus loin les facettes de lʼextraversion, extrait de lʼATQ) sʼoppose à la dimension « névrosisme ». Dans la première, il y a une dominance des traits comme une affectivité positive comme la chaleur, la grégarité, lʼaffirmation de soi, lʼhyperactivité, la recherche de sensations et les émotions positives (en dʼautres termes lʼHyperthymie) et dans la seconde, cʼest une affectivité négative qui prévale en incluant lʼanxiété, la colère / lʼhostilité, la dépression, la timidité, lʼimpulsivité. Cette dimension est souvent associée à un niveau bas de contrôle émotionnel exigeant de lʼeffort.
La double polarité affective a réussi de convaincre les experts les plus sceptiques à lʼapproche biologique de la personnalité via les tempéraments. En effet, les dimensions extraversion et névrosisme sʼavèrent être les robustes et prédictifs des affects momentanés ; cʼest-à-dire plus dʼaffects positifs dans lʼextraversion et négatifs dans le névrosisme.
EXTRAVERSION (extrait du questionnaire ATQ, Tempérament de lʼAdulte)
Sociabilité
Plaisir élevé
Affects Positifs
Dans les études psychométriques
En croisant le TEMPS-A et le NEO-PI-R (questionnaire de personnalité basé sur la théorie « BIG FIVE » ou 5 dimensions majeures de la personnalité), on constate que le tempérament hyperthymique est caractérisé par des niveaux élevés sur lʼextraversion et la conscience et un niveau assez bas sur la dimension « ouverture ». Donc, un profil « Béta dominant », qui en faveur du degré de développement personnel important et de réussite élevée chez les personnes dotées de ce tempérament à condition quʼils soient consciencieux et rigoureux. Les hyperthymiques impulsifs, intuitifs et désordonnés ne feront pas une bonne carrière au long cours.
En utilisant le TCI de Cloninger (inventaire tridimensionnel du caractère), on observe des corrélations de lʼhyperthymie avec les dimensions de détermination et de transcendance.
La vie sentimentale des hyperthymiques
Les personnes du tempérament sanguin sont sensuelles et démonstratives, charmeuses. Elles possèdent généralement un grand sens de lʼhumour. Chaleureuses, elles savent sʼattirer la sympathie des autres et aiment être en compagnie du sexe opposé. Toutefois, elles sont souvent réticentes aux liaisons de longue durée (parfois un hyperthymique se comporte comme « un vrai courant dʼair »), mais lorsquʼelles sʼengagent dans une relation amicale ou professionnelle, elles sont fidèles. Bien que bons vivants et calmes de nature, leurs colères, bien que souvent bien fondées, peuvent être spectaculaires et intenses.
Les hyperthymiques sont attirés par les gens qui sont dʼun grand soutien, attentifs, conciliants, prévisibles, faciles à vivre, amusants. Leur principale peur est de perdre les acquis affectifs avec les autres. Ils attendent de la personne aimée de la loyauté, du dévouement, de la fidélité. Ils apprécient des valeurs comme la cohérence, la ténacité, la permanence. Il nʼest pas étonnant de les voir exercer des formes de pouvoir avec le contrôle, lʼintimidation, le chàtiment ou le rejet.
Hyperthymie et génétique
Un travail conduit en France (Chiaronni et Hantouche) a réussi de montrer que les dérégulations tempéramentales sont plus hétérogènes dans la fratrie des patients bipolaires (chez lesquels on retrouve, à la fois, une fréquence importante de tempéraments hyperthymique ou dépressif) par comparaison aux proches des sujets ayant un trouble dépressif unipolaire (tempérament est préférentiellement de type dépressif). Ces résultats pourraient témoigner en faveur dʼune agrégation familiale de ces anomalies (traits cyclothymiques, hyperthymiques et dépressifs) et accréditent la thèse dʼune pathologie affective sub-syndromique, en marge des épisodes affectifs majeurs, présente chez les sujets à risque. Ce qui autorise donc dʼinclure la cyclothymie dans les indices phénotypiques caractérisant la bipolarité. Il sʼagit dʼun modèle intéressant pour la recherche dʼune interface entre la génétique moléculaire et comportementale. De plus, il plaide en faveur de lʼhypothèse selon laquelle les épisodes ne représentent que des complications la vraie maladie se trouve dans les racines du tempérament et se manifeste quand le tempérament se clash avec lʼenvironnement.
Une étude américaine (Evans) a réussi de montrer chez les parents non affectés des personnes bipolaires des scores élevés sur les facteurs anxiété réactivité et hyperthymie, par rapport aux contrôles ou témoins sains.
Ces résultats soutiennent lʼidée que certaines dimensions du tempérament sont transmises dans les familles des BP comme des traits quantitatifs qui font partie du spectre BP élargi. En particulier, les traits HT et anxieux réactifs distinguent les parents sains des témoins sains.
Dʼautres résultats préliminaires (venant de lʼuniversité de San Diego, équipe de Klesoe et Akiskal) suggèrent une transmission génétique spécifique à lʼhyperthymie.
le Dr Akiskal au WPA de Florence 2009
Evaluez votre hyperthymie
Dépression récurrente tardive et résistante
La dichotomie au sein même de la bipolarité : approche clinique de Koukopoulos
Tempérament