En influant sur le système glutaminergique, la Kétamine peut jouer un rôle favorable sur les dépressions bipolaires résistantes.
Le trouble Bipolaire est considéré comme un trouble sévère avec des niveaux de morbidité et de mortalité élevés, notamment dans les phases dépressives résistantes aux traitements conventionnels. Parmi les psychotropes proposés dans le traitement de la Dépression Bipolaire, aucun remède nʼest capable de réduire rapidement le syndrome dépressif et surtout de calmer les idées et pulsions suicidaires (1-3).
De telles limites contribuent à alourdir le fardeau de la maladie et ses conséquences, ce qui signifie que la recherche de remèdes ayant une action rapide dans ces conditions devient une nécessité.
Au cours des dix dernières années, on a cumulé des données précliniques, post-mortem et cliniques qui montrent lʼimplication du système glutaminergique (acide aminé excitateur du cerveau) et spécialement les récepteurs N-Methyl-D-Aspartate (NMDA) dans les troubles bipolaires (4). En effet, chez les patients bipolaires, on a retrouvé :
Baisse de la transcription NR1 et NR2A dans le tissu de lʼhippocampe avec réduction des taux du PSD95Liens entre les polymorphismes des gènes GRIN1, GRIN2A et GRIN2B et la vulnérabilité pour le trouble bipolaireRelation probable entre lʼémergence dʼidées suicidaires sous antidépresseurs et lʼimplication des gènes GRIA3 et GRIK2Altération des récepteurs NMDA observées en post-mortem dans les cerveaux des victimes de suicide.Ces résultats sont en faveur du rôle du glutamate dans la bipolarité et éventuellement dans le risque suicidaire. En effet, certaines études chez lʼanimal ont réussi de montrer que
la Kétamine, un psychotrope ayant la propriété de bloquer les récepteurs NMDA, possède des effets anxiolytiques et antidépresseurs (5-9).
Chez des dépressifs résistants, un essai clinique a suggéré que la Kétamine était capable de réduire dans les 72 heures après perfusion, les symptômes dépressifs (10). Ultérieurement un essai contrôlé en double aveugle (vs placebo) a pu confirmer ce résultat en montrant, chez des dépressifs résistants, quʼune seule perfusion de Kétamine exerçait un effet antidépresseur rapide, soit 2 heures après, et soutenu sur une période de 1 à 2 semaines (11). Ce résultat sera signalé dans dʼautres études avec des similitudes dans les délais et les amplitudes des effets cliniques de la Kétamine.
Sʼinspirant de ces résultats, lʼéquipe de Zarate au NIMH ont réalisé un essai clinique (double aveugle, vs placebo, en croisé) montrant un effet rapide dʼune dose unique de Kétamine en perfusion chez 18 patients présentant une dépression bipolaire résistante, recevant soit lithium ou divalproate (2). Dans cet essai clinique, les symptômes dépressifs étaient réduits après une heure de la perfusion avec une amélioration qui se maintient au-delà de la durée dʼaction de la Kétamine sur les récepteurs NMDA.
Concernant un effet potentiel sur les idées suicidaires, certaines études ont fait remarquer un effet anti suicidaire rapide et significatif de la Kétamine, chez des patients dépressifs résistants (12-14). En 2012, lʼéquipe de Zarate (15), reproduit la même étude chez des patients BP-I ou –II, en dépression résistante (n = 15 patients). Lʼétude montre un effet rapide (après 40 minutes de la perfusion) sur les symptômes dépressifs et suicidaires (évalués par lʼéchelle MADRS et autres échelles, comme la BDI), une amélioration qui reste significative au troisième jour après la perfusion. Soixante dix neuf % des patients ont répondu à la Kétamine versus 0% avec Placebo (réponse définie par une réduction dʼau moins 50% sur le score global de la MADRS).
Ce quʼon peut retenir de ces études, cʼest :
la rapidité dʼeffet antidépresseur et anti-suicidaire de la KétamineLe maintien de cet effetLa similitude de cet effet en dépit du diagnostic, dépression bipolaire ou unipolaire.Références
Post RM et al. Differential clinical characteristics, medication usage, and treatment response of bipolar disorder in the US versus The Netherlands and Germany. Int Clin Psychopharmacol. 2011; 26:96–106. Diazgranados N et al. A randomized add-on trial of an N-methyl-D-aspartate antagonist in treatment-resistant bipolar depression. Arch Gen Psychiatry. 2010; 67:793–802. Machado-Vieira R et al. Rapid onset of antidepressant action: a new paradigm in the research and treatment of major depressive disorder. J Clin Psychiatry. 2008; 69:946–58.Sanacora G et al. Targeting the glutamatergic system to develop novel, improved therapeutics for mood disorders. Nat Rev Drug Discov. 2008; 7:426–37.Aguado L et al. Effects of the NMDA receptor antagonist ketamine on flavor memory: conditioned aversion, latent inhibition, and habituation of neophobia. Behav Neural Biol. 1994; 61:271–81. Garcia LS, et al. Acute administration of ketamine induces antidepressant-like effects in the forced swimming test and increases BDNF levels in the rat hippocampus. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry. 2008; 32:140–4.Maeng S, et al. Cellular mechanisms underlying the antidepressant effects of ketamine: role of alpha-amino-3-hydroxyl-5-methylisoxazole-4-propionic acid receptors. Biol Psychiatry. 2008; 63:349–52. Li N et al. mTOR-dependent synapse formation underlies the rapid antidepressant effects of NMDA antagonists. Science. 2010; 329:959–64.Autry AE et al. NMDA receptor blockade at rest triggers rapid behavioural antidepressant responses. Nature. 2011; 475:91–5. Berman RM et al. Antidepressant effects of ketamine in depressed patients. Biol Psychiatry. 2000; 47:351–4. Zarate CA et al. A randomized trial of an N-methyl-D-aspartate antagonist in treatment-resistant major depression. Arch Gen Psychiatry. 2006; 63:856–64. Diazgranados N, et al. Rapid resolution of suicidal ideation after a single infusion of an N-methyl-D-aspartate antagonist in patients with treatment-resistant major depressive disorder. J Clin Psychiatry. 2010; 71:1605–11.Price RB et al. Effects of intravenous ketamine on explicit and implicit measures of suicidality in treatment-resistant depression. Biol Psychiatry. 2009; 66:522–9. Larkin GL, Beautrais AL. A preliminary naturalistic study of low-dose ketamine for dépression and suicide ideation in the emergency department. Int J Neuropsychopharmacol. 2011; 14:1127–31. Zarate CA et al. Replication of Ketamineʼs Antidepressant Efficacy in Bipolar Depression: A Randomized Controlled Add-on TrialBiol Psychiatry. 2012 June 1; 71(11): 939–46.septembre 2013
N-AcétylCystéine (NAC) dans les troubles bipolaires et les troubles associésLes Médicaments pour traiter le TOCFrontières obsessionnelles de la bipolarité