Tex Avery forever ! La vie en dessin animé
1/01/2009
Témoignages > Scènettes de vécu bipolaire
Si la vie n’est pas un conte de fée, elle est un récit agité haut en couleur, en bruitages, musique et catastrophes. Comme un dessin animé grandeur nature, version Tex Avery.
Bugs Bunny, Droopy, Wolfie , squirrel et tous les autres, fruits de l’imagination débridée de tex Avery, chahutent dans les souvenirs de mon adolescence et leur frasques me font encore rire. Le trop plein est, tout â la fois épuisant et vraiment drôle. Avery a rehaussé le genre des toons en misant sur la disproportion et caricaturant â la loupe la personnalité de ses acteurs. Ils sont embarqués dans un enchaînement loufoque de gags délirants. Extravagance et démesure !
Parmi les personnages qui défilent dans les scènes animés, il y a Wolfie le loup en extase devant une pin up. Il s’emballe les yeux hors des orbites, sa tête foldingue tournoie , surexcité il se met â courir dans tous les sens en hurlant de désir, et ses amis tentent en vain de le retenir pendant que lui poursuit sa belle.
Et Bugs Bunny inépuisable lapin! Son « what’s up doc ? » lance le signal de départ de farces qu’il déclenche la seconde d’après. La fripouille enchaîne les situations carambolesques, se démultiplie, bondit, tyrannise ses poursuivants et essouffle tout le monde.
Un pitoyable lion complètement abattu, s’effondre et se réfugie au fond de son lit dans un isolement absolu, â l’extrême inverse de l’euphorie qu’il démontrait peu avant exhibant sa toute puissance et sa volonté de dominer le monde.
Et toute la galerie des hurluberlus animés, le déjantés, les allumés, les catastrophés, les délurés, les siphonnés, qui ne savent plus où se donner la tête pour survivre â l’univers cartoonesque.
Tex Avery, grand créateur d’un monde fou fou fou….
Ces toqués nageant comme des poissons dans leur océan de bizarrerie, réussissent â imposer leur règle, l’irrationnel constitue leur norme. Ils dominent les éléments, ils sont les maîtres du monde, ils transforment l’environnement â leur guise et l’adaptent â l’urgence du moment. Et par dessus tout, ils traduisent â la perfection le ressenti dans lequel il se trouvent. Il y a ceux qui deviennent minuscules pour disparaître accablés de honte, ou d’autres qui tombent en miettes et récupèrent les morceaux dans un état lamentable….
Ce monde parallèle â notre monde existe. La pagaille animée se met en scène, raconte en image l’effervescence souterraine des états d’âme, et vient illustrer des moments de vie. Cette vie justement qui me gratifie du cadeau des sensations porte d’ouverture sur le monde qui m’entoure, le toucher, la vue, l’odorat, l’ouâ?e, le goût et l’intuition.
Quelquefois ces canaux se dérèglent et les informations désordonnées déforment la perception du réel. Bienvenue dans la quatrième dimension !
Cet univers survolté se fond â merveille avec le mien, et quelques anecdotes vécues témoignent de ce transfert entre les deux monde, elles racontent aussi un farouche besoin de puiser dans l’humour, thérapie préventive pour garder la tête froide.
La patience est d’ordinaire une vertu facile â vivre…il y a quelques années, le jour du réveillon, dans le train du métro parisien, la foule, compressée, s’infiltrait dans le moindre espace. Dans une fusion de corps, je côtoyais quelques joyeux drilles dont un simulait la tempête en se pressant tantôt â droite tantôt â gauche. Une exaspération grandissante enflait en moi lorsque surgit une impulsion subite et incontrôlable, le taureau est gonflé â bloc, dans une arène surchauffée, fonce dans la cape rouge qui s’agite et saisit l’énergumène en le plaquant contre la paroi du métro lui demandant de cesser immédiatement. Pris de fou rire, le petit malin arrêta son manège.
Il y a quelques temps, je me baladais avec un ami dans un cadre bucolique, choyés par un soleil d’été lumineux et agréable. Sans prévenir, il m’a pris la main dans un élan romantique et polisson. Une avalanche d’une violence inouâ?e déboula dans ma tête. J’étais knock out, sonnée comme un boxeur en fin de combat. Un cataclysme déclencha un affolement général, la foudre électrocutait â tout va et, comme une fourmilière pris d’un mouvement de panique ça courrait dans tous les sens pour éviter une autre décharge électriques. Tétanisée, j’ai bafouillé une boutade pour détendre l’atmosphère mais le son de ma voix déraillait. Disparus le soleil et les oiseaux qui chantent ! gros malaise.
Je me serais bien passée de cette longue soirée d’une fête de mariage interminable. La gêne s’installait et les conversations s’épuisaient sans trouver le moyen de se renouveler. La métamorphose en une voiture en délire sans chauffeur est une expérience inconfortable; elle zigzague dangereusement, évitant chaque obstacle jusqu’â ce qu’il se produise l’irréparable… n’être plus qu’un tas de tôle froissée et ratatinée. La fête a duré une nuit entière, les discussions ennuyeuses lassaient les uns et les autres, puis de gaffe en gaffe je suppliais le Temps que tout ça finisse le plus vite possible regrettant de n’avoir pas encore inventé la potion magique qui me rendra invisible, ni le casque de téléportation qui m’entraînera loin de tout et de tous, et m’enfuir les jambes â mon cou. Le tas de tôle a terminé â la casse. J’ai perdu le contact avec ces amis.
Si « Etre â plat » prend du sens pour la majorité des gens, il m’est plus difficile de partager et de transmettre â mon entourage la douleur sourde émotionnelle pendant la traversée d’une zone de turbulence. Dominée par un énorme rouleau compresseur en activité, je termine anéantie â l’état de poussière, sans que plus aucune vitalité ne circule en moi. Une compression douloureusement ressentie dans la chair. Ce qui donne l’équation suivante : une posture professionnelle délicate, un collègue tyrannique, une collaboration perturbée, conjugués avec un quota zéro en ressources intérieures et aucun sens de la répartie pour obtenir, au résultat d’une très très mauvaises journée, un écrabouillement informe et irrécupérable.
L’incompréhension s’installe cette fois définitivement avec mes proches lorsque, piégée dans les sables mouvant de la banalité de la vie, engluée dans les incidents anodins qui affectent ma sérénité, le rouleau compresseur s’active.
Quelquefois je suis transportée dans des séjours intenses, lumineux, me gratifiant d’une forme rare. Mon coeur bat d’une vitalité ardente qui circule dans mes veines. Elle suscite en moi l’envie de croquer la vie â pleines dents. Ce sont des temps forts dont je savoure le goût du bonheur. Le charme et la fantaisie se parent d’excès comme peut l’être un spectacle pyrotechnique. Convaincue d’être élue par la grâce, de mon pouvoir d’action sur les évènements, de mes dons surnaturels, je sais qu’une mission m’attends et que de grandes choses vont s’accomplir. la Force est en moi. Généreuse, j’ai plaisir â influencer les choses et les gens, par le privilège d’une force magique. Tout devient signe, coâ?ncidences qui me confirment que je suis sur la bonne voie, la synchronicité joue â merveille. La réussite est en route, tout ce que j’entreprends est sur le point d’aboutir, le billet de loto que je vais jouer va être le bon, la chance me brûle les doigts.
Il n’y a pas si longtemps, au réveil d’un matin comme un autre, une révélation s’impose suite â un rêve nocturne. S’ensuivent des décisions qui orientent définitivement mes choix de vie. Démission, arrêt de travail, et départ quelques jours en Belgique.
Dans ces moments de grandeur, j’ai des certitudes inébranlables, surtout d’avoir la connaissance des évènements et une hypersensitivité aux énergies qui nous entourent. D’emblée, je décide de changer la vie des gens pour leur mieux-être et j’ai le pouvoir de penser ce qui est bon pour eux au grand dam de tous ceux que je prends en main. Des ailes me poussent dans le dos, je suis dans la lumière, je prends de la hauteur… aussi haut qu’Icare qui s’enfuit et s’envole de son labyrinthe.
Joie, tristesse et délires fantaisistes. mes émotions s’affolent, exacerbées et font la part belle â ces fêlés des dessins animés « made in Avery », des excentriques finalement très humains.