07 : L‘arrivée du printemps : rémission dépressive ou virage ?
31/12/2008
Témoignages > Amour, sexe, couples > Couple bipolaire
Et moi, je commençais à me poser des questions. Dépression interminable coupée par un moment de suractivité, ça faisait quand même tintinnabuler diablement un petit grelot dans ma tête. J’entrepris doucement Stéphane sur le sujet. Pas assez doucement, semble-t-il. Il renacla. Genre "Moi bipolaire ? Mékèkèlmedit ? ". Je fus surprise par sa réaction. Je pensais pourtant cette maladie totalement banalisée et dédramatisée pour lui autant que pour moi. En bipolaire grand teint, j’insistai, le plus diplomatiquement possible, c’est à dire qu’en fait je fus certainement aussi délicate qu’un bulldozer, c’est une de nos marques de fabrique. Et puis je lâchai l’affaire. Non, mille fois non, il n’avait décidément pas le profil.
Arriva enfin le printemps et avec lui l’énergie qui me manquait tant. Je me remis à gratouiller, percer, piquer, étriller et forer la terre ardemment, un trou ici, une collinette là, pire que vingt-six taupes. Je tapais la discute avec tout le personnel de la jardinerie proche. Bleu, rose, blanc, un soupçon de pourpre, le jardin prenait des couleurs, les grimpantes grimpaient et les vivaces retombaient. Moi, je vivais, des oursins sous les fesses.
Manu, le cadet de Stéphane, habitait à mi-temps chez nous, quand il n’était pas à Lille pour son travail et sa musique, hébergé par le meilleur ami de Stéphane, Ben. La maison est grande, il disposait des chambres du premier étage. Stéphane y était très attaché et l’avait pris sous son aile comme un deuxième père. J’étais ravie de l’accueillir. Oh, bien sûr, il avait ses petits travers mais qui n’en a pas. Il était encore très jeune, peu expérimenté et tentait de mettre son grain de sel dans les conversations, souvent à contretemps. Il était également maniaque alors que vous pouvez imaginer dans quel état peut être une maison habitée par deux dépressifs chroniques. Mais mon humeur était plus qu’au beau fixe, la maison était toute propre, maintenant.
Nous avions également souvent la visite de Ben, le week-end. Lui et moi nous connaissions encore très peu. Mais Stéphane et lui avaient partagé beaucoup et étaient toujours restés en contact, même après la fin de leurs activités communes. Une très grand confiance les unit. Ben est un garçon sensible, gentil, généreux. Il vint nous aider à faire des travaux, tout en profitant de la présence et des conseils de Stéphane en ce qui concernait sa vie professionnelle et affective. Je fus tout tranquillement incluse dans les discussions.
Discuter, de fait, je n’en avais pas trop le temps. J’avais tant à faire, je voulais tant en faire. Je dois avoir une âme d’oiseau à la saison des amours. Partout où je passe, pour huit heures, huit jours ou huit ans, je crée un nid. Et là, j’avais à ma disposition une grande coquille à aménager plus un jardin vide à structurer. Avec toute cette énergie disponible je m’agitais pire qu’une fourmi déracinée par erreur. Malheur à qui se trouvait sur mon passage. Stéphane n’arrivait même pas à me stopper pour un baiser volé, ça m’agaçait. Vite vite, la bêche pour planter un arbuste, vite vite la pioche pour dégager une roche. Les sacs de gravats qui s’entassent et, oh désespoir, personne pour les emporter derechef à la déchetterie. Arghhhh, elle est fermée, c’est l’heure du repas. Non merci, pas faim, le massif n’est pas terminé. Par contre, j’ai eu une idée. Je voudrais bien un ruisseau entre le futur saule et le bas du terrain, là ou s’arrêtera la terrasse. Je vais faire un croquis et vous montrer !
Les jours étaient longs et ensoleillés mais trop courts pour moi. Je m’agaçais facilement. Agaçant Manu qui laissait traîner son portable, qui sonnait alors qu’il était en haut. Agaçante la bande son des pubs, trop forte. Agaçant l’aboiement du chien d’un voisin. Dérangeante la sonnerie du téléphone alors que je lis. Est-ce que je vais emm***** les gens chez eux, moi ? Et pourquoi la nuit tombe-t-elle si tôt, je n’ai pas fini mes plantations. Quand à cette purée, elle est ignoble ! Je ne retournerai jamais faire mes courses chez L******. Putain, je rêve, Manu vient de sortir de la douche en disant qu’il a enlevé de l’écoulement plein de cheveux. Stéphane, va lui parler ou je lui casse la tête moi même !!! Stéphaaaaaaaaaane ! T’as encore laissé traîner ton pot de Ricorée. Et c’est toi qui disais que Ben fabriquait de super meubles ? Y a pas un tiroir qui coulisse correctement, si ça continue, je vais le démolir à coup de masse, ce truc et acheter dans le commerce, je SUPPORTE PLUS.
Bêche, pioche, pioche, bêche, bêche, pioche. Stéphane se fait tout petit.
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