09: Je me sens la seule excentrique au milieu de normalité !
31/12/2008
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Pour résumer, j’ai essayé d’organiser une soirée sympa pour mes trente ans avec mes collègues. Si vous avez déjà essayé de planifier un événement ou quoi que ce soit pour un groupe, vous savez dans quelle galère je me suis jetée. Hé bien imaginez le truc pour une cyclo comme moi, obsédée par la perfection et en attente d’une soirée hors du commun et remplie d’amour ? Une catastrophe sentimentale !
Pour choisir la date il a fallu une semaine, en changeant à chaque fois pour un tel ou un tel. Et puis finalement c’est tombé sur vendredi dernier, le vendredi où toutes les écoles de France et de Navarre organisaient leur kermesse. Mes collègues ayant tous des enfants, ils se sont désistés les uns après les autres, jusqu’à ce qu’il n’en reste que huit sur quarante. Puis sur les huit, trois sont venus.
J’ai donc "fêté" mon anniversaire à quatre. D’accord on a bien rigolé, mais de retour chez moi, mon humeur a changé, et j’ai sombré dans la déception et le tragique.
Cette semaine, pour la première fois, je suis en arrêt maladie. Je n’ai jamais voulu arrêter mon travail : je voulais toujours arriver à faire la part des choses, à séparer mes problèmes personnels d’humeur, et mon boulot. Mais là j’ai atteint mes limites.
Je n’ai pas voulu retrouver tout le monde lundi, alors que personne n’est venu à mon anniversaire. Et puis il y a cette histoire de prime. Nos chefs nous ont attribué (ou pas, en ce qui me concerne) des parts d’après nos résultats. Les miens sont bons, sauf que ?
C’est la première fois qu’on me reproche ouvertement mon caractère. Cet entretien avec mes responsables a été un cauchemard. Je n’avais jamais imaginé que ma cyclothymie pourrait poser problème "professionnellement". Hé bien voilà, nous y sommes. J’y suis.
Voilà que maintenant, j’ouvre trop ma gueule, il m’arrive d’être négative, trop critique. J’ai des résultats en dents de scie, je suis irrégulière. Normalement on peut compter sur moi, mais il y a des périodes où je ne travaille plus, où je ne fais plus rien. Et puis j’ai trop d’histoires personnelles. Çà se voit, je discute trop avec certains, j’oublie que je suis là pour travailler.
Je ne sais pas quoi dire pour ma défense. Je me demande comment on peut résumer trente ans de parcours cyclothymique à son employeur, comment on peut parler d’une maladie que personne ne connaît. On ne peut pas. Alors je ne dis rien.
Me voilà avec un problème de plus. J’ai donc demandé une semaine de calme à mon médecin. Bientôt je vois l’autre psychiatre. Lundi prochain est un autre jour.
Pour moi, chaque matin est un autre jour, où tout est possible, bon, mauvais, imprévisible. Avant, je trouvais le monde injuste et contre moi. Aujourd’hui je ne sais plus si c’est moi qui doit faire des efforts, les autres, les deux, personne. Je ne sais plus rien.
C’est dur, parce que je suis partagée. Il y a une partie de moi qui dit : "Grandis, ma fille. Grandis, ça suffit, maintenant. Tu es trop. Voilà , oui, c’est le mot : trop. Trop sensible, trop exigeante, trop sévère, trop possessive, trop rêveuse. Trop, c’est trop."
Et puis : "Et puis pourquoi ? Hein ? Pourquoi ? Je suis ce que je suis. Personne ne fait l’effort de changer, personne ne se remet en question. Pourquoi moi ? Pourquoi c’est à moi de m’adapter ? De me calmer ? De faire dans la demi-mesure ? Est-ce que le reste du monde a déjà fait un effort pour moi en retour ?"
A ces questions, pour l’instant on ne fait que me répondre : "Parce que tu en souffres. Parce que tu es malheureuse." Oui, c’est vrai. Je suis malheureuse. Contrairement aux autres, c’est une chose qui m’arrive. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on n’accepte pas cela, alors qu’on accepte que je sois éblouissante, drôle, sulfureuse. On prend toujours le bon de moi, et jamais le mauvais. On accepte toujours que je sois délurée à une soirée et que j’entraîne tout le monde vers la déconne, mais jamais que je crie : "Vous n’êtes qu’une bande de dégueulasses ! Vous n’êtes pas venus à mon anniversaire et je vous déteste pour toujours !"
Je ne sais plus comment me comporter, ce que je dois dire, taire, modérer, changer, expliquer, faire accepter. Avant je maudissais le monde entier de ne rien comprendre à ma personne, et même, je trouvais les autres moins bien que moi. Mine de rien, je n’étais pas malheureuse comme cela. Je préfère l’époque où j’étais en colère. Aujourd’hui je vois que je suis malade, que tout me déçoit tout le temps mais que c’est surtout moi qui suis décevante, que cela vient de moi, que c’est moi qui ai un problème, que je suis seule excentrique au milieu de normalité.
Je suis fatiguée de moi-même.
Le nouveau blog de Régis s’appelle : J’aime ma cyclothymie parce que Il voudrait que j’écrive un texte et le mettre en ligne.
Je dirais que le jour où j’arrive à l’écrire, ce sera la fin de ma dépression ou la partie négative de ma cyclothymie.