Concepts théoriques de la Pleine Conscience (Mindfulness)
1/04/2013
Auteur : M Trybou
Dictionnaire > Psychiatrie générale
Mindfulness : vivre dans le présent
Nos habitudes font que lʼon a tendance à ne pas focaliser notre attention sur le temps présent, la réalité du moment. Nous sommes trop habitués à vivre dans lʼempressement, le futur, lʼanticipation, « ce qui vient après ». A peine une action commencée, elle doit être achevée pour commencer la suivante, au détriment au plaisir et à lʼobservation de lʼinstant. Lʼattente fait que lʼon devient extrêmement sensible à la frustration, comme par exemple quand nous allons quelque part, nous sommes agacés par le voyage, alors que celui-ci nʼest pas particulièrement éprouvant. On cultive très vite de lʼagacement à ne pas pouvoir aller aussi vite que lʼon veut, et cet agacement est une perte dʼénergie. Lʼénervement ne faisant pas tourner la terre plus vite, autant profiter de lʼattente pour se reposer.
Le but de la Pleine Conscience (Mindfulness) est de reprendre lʼhabitude de vivre lʼinstant présent. Elle consiste en une hyperfocalisation sur lʼici et le maintenant en redevenant sensible à ce qui nous entoure. Le but final est que lʼesprit ne puisse plus sʼaccrocher aux pensées qui surviennent dans lʼesprit (ruminations et attentes qui favorisent la frustration et lʼanxiété). Les jeunes enfants font de la Pleine Conscience sans sʼen rendre compte car au tout début de leur vie, ils découvrent le monde : ils observent, touchent, écoutent, sʼintéressent au moindre caillou sur le sol, restent ouverts à toute nouvelle chose, toute perception, toute surprise, car ils nʼont pas encore développé des automatismes (marcher, prendre, faire une action) leur permettant de faire quelque chose et en même temps de penser. Ils ne se préoccupent ni du passé ni du futur, trop accaparés par le présent. On retrouve aussi cet état chez les personnes âgées qui quittent lʼaction pour revenir à la contemplation. En se basant sur nos perceptions plutôt que notre réflexion, il est possible dʼarriver à une concentration sur lʼêtre qui observe plutôt qui lʼêtre qui rumine. Il va donc falloir sʼarrêter et regarder ce qui se passe autour de nous.
Abandonner les automatismes ?
Pouvons-nous en conclure que nous sommes trop dépendants de nos automatismes ? Oui et non. Non, car ils sont bien pratiques au jour le jour pour gagner du temps et ne plus avoir à nous concentrer perpétuellement, et oui car cela nous encourage à réfléchir en même temps à autre chose, et malheureusement pas à des choses qui reposent lʼesprit. Secondairement, quand tout est automatisé, on a très vite une impression dʼennui, de manque dʼexcitation. Lʼidée de la Pleine Conscience serait de casser les automatismes et remettre de la concentration, de lʼattention, dans des actes simples, ne plus nous dépêcher, ne plus réfléchir pendant une action, afin de canaliser « lʼénergie mentale » dans des choses neutres, et rompre lʼimpression dʼêtre blasé du quotidien (retrouver de la patience, de la curiosité)
Quand nous regardons les pensées parasites qui nous envahissent quand nous marchons ou que nous faisons une action du quotidien comme manger ou boire, elles ne portent que sur des ruminations du passé, de lʼanticipation du futur, un jugement sur ceci ou cela. Réfléchir est une illusion de contrôle car penser nʼa pas nécessairement un impact sur la chose à laquelle nous pensons. En mettant lʼénergie mentale sur les perceptions, on entre naturellement dans un lâcher prise, on diminue le contrôle.
La technique
La technique la plus simple est de se concentrer sur sa respiration, sentir lʼair qui entre dans le nez, sentir lʼair circuler, sentir son ventre bouger. Cela va nous demander tellement dʼénergie et de concentration que pendant ce temps notre esprit nʼaura pas à travailler sur des pensées négatives ou intrusives. « Que voyez-vous ? Qui y a-t-il autour de vous ? Quʼentendez-vous ? Que sentez-vous ? » Mettez votre énergie sur vos perceptions (œil, ouïe, odorat, goût, tactile) et non sur vos pensées et ressentis viscéraux.
Quand nous avons une pensée (« Zut, jʼai les impôts à payer », « il est tard, dépêche toi, tu as encore du boulot à faire »), nous ne devons pas entrer dedans, mais nous contenter de remarquer que nous avons cette pensée « tiens, une pensée » car cette pensée est non seulement inutile mais en plus elle utilise de lʼénergie pour rien. Et secondairement, ce nʼest pas en nous stressant que nous gérerons mieux nos impôts ou aurons plus dʼargent pour les payer, ou arriverons plus rapidement chez nous.
Il faut faire de même pour nos émotions et nos ressentis : nommons le phénomène plutôt que disserter sur ses tenants et aboutissants. La focalisation sur les pensées et les émotions est une erreur et absorbe une énergie mentale phénoménale. A chaque fois que nous nommons une pensée ou une émotion, nous nous concentrons à nouveau sur notre respiration. Notre but est simple et unique : se concentrer sur les 5 sens afin quʼà terme tout évènement, pensée ou émotion soit équivalent à regarder un nuage dans le ciel (Ken Wilber) : « cʼest un nuage, point, il nʼy a rien à ajouter. »
Reconnaissons une pensée pour ce quʼelle est : une pensée. Et à chaque fois, reconcentrons-nous sur notre respiration pour que notre énergie mentale passe dans cela et non dans lʼextrapolation de cette pensée. Faisons de même pour nos émotions et ressentis. Nous pouvons aussi canaliser cette énergie mentale en détaillant la personne en face de nous, comme si nous étions en train de prendre une photo dʼelle, en détaillant dans notre bouche la texture, le goût, la matière de ce que nous mangeons, du contact de nos pieds sur le sol quand nous marchons (nous nous concentrons sur le fait de marcher et non sur notre destination), du vent sur notre visage, …
Quand nous nous focalisons sur nos ruminations, nous acceptons volontairement de ressentir des émotions négatives. Quand nous nous focalisons sur un bruit, une couleur, notre respiration, nous acceptons dʼêtre sereins et de diminuer la tension dans notre esprit. Ne confondons pas vrai contrôle (apprendre à gérer son esprit et ses émotions) et faux contrôle (entrer dans des ruminations inutiles pour tenter de résoudre un problème).
Quand nous sommes en train de faire une action (écouter, lire, agir, …) et que nous nous déconcentrons, nʼentrons pas dans la pensée intrusive. Nommons le phénomène « je me déconcentre », respirons, et reprenons notre action. Le but est de toujours revenir à ce que nous sommes en train de faire MAINTENANT.
Tirer parti du présent
Enfin, vu que le passé est passé et le futur est incertain, apprenons à tirer notre satisfaction de lʼinstant présent, cʼest la seule chose que nous possédions réellement et on ne sait pas combien de temps cela va durer. On ne sait pas dans combien de temps mourrons nos proches et y réfléchir est une perte de temps comparé au fait que pour le moment ils sont là et quʼil faut profiter de leur présence maintenant.
Réfléchir au passé sʼappelle le dramatiser inutilement car il a déjà été suffisamment douloureux comme cela et cela ne sert à rien dʼavoir pu avancer si cʼest pour remettre le couvert en imagination. Réfléchir au futur est la meilleure façon pour être déçu ou se dissuader de faire quoi que ce soit.
Beaucoup de personnes ont du mal avec ce concept de lâcher prise, de se focaliser sur les perceptions et arrêter de penser car ils ont lʼimpression de se retrouver démunis devant le danger. Mais est-ce du vrai contrôle, nécessaire pour avancer dans la vie et survivre, éviter des catastrophes, ou un contrôle ne contrôlant rien du tout ? Ces personnes ont trop souvent tendance à croire que la Pleine Conscience vise à ne plus penser du tout, ce qui est faux. La Pleine Conscience vise à économiser de lʼénergie et être serein justement quand il nʼy a pas de danger, cʼest-à-dire 99 % du temps. Maintenant une hypervigilance mentale perpétuelle est très coûteux et ne prévient pas les dangers quand ils arrivent.
Posons-nous les questions suivantes afin de dédramatiser un peu ce contrôle. Lisons les tranquillement et regardons si notre contrôle est si vital que cela (Jerry Braza) :
« Les ombres du passé sont vagues et le futur encore trop lointain… Le présent est tout ce que je possède. Cʼest la seule chose que lʼon possède tous. » (Judith Garrison).
« Lorsque vous faites la vaisselle, cela doit devenir la chose la plus importante de votre vie. Lorsque vous buvez du thé, faites-en la chose essentielle de votre vie… Il en est ainsi de toutes choses. Couper du bois est méditation. Porter des sceaux dʼeau est méditation … Chaque acte est un rite, une cérémonie. Approcher la tasse de thé de vos lèvres est un rite ». (Thich Nhat Hanh).
Efficacité et indications de la mindfulness
Des études sur la Pleine Conscience ont montré son efficacité dans de nombreuses pathologies comme :
Références
Au sujet de la ˮPleine Conscienceˮ (1)
Au sujet de la ˮPleine Conscienceˮ (2)
