07 : suis-je en dehors des conventions d’une maladie normale ?
31/12/2007
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
09h10
Je suis au travail mais comme je n’ai strictement rien à faire, j’en profite encore une fois.
Ma mère est partie hier. Ce fut un véritable soulagement. Je ne rentrerai pas dans les détails, seulement évoquer que je suis fixée sur ma décision de la tenir à distance. Il ne s’agit pas réellement de sa maladie mais davantage de sa personnalité écrasante et surtout qui pompe toute l’énergie. Sur ce point, bon nombre de gens qui la connaissent s’accordent à dire de même.
Aujourd’hui, je suis très mal. J’étais à deux doigts de ne pas venir au bureau et je me demande encore s’il n’aurait pas mieux valu.
Je repense au livre "L’étranger" de Camus.
Tout comme l’étranger qui vit bel et bien dans la société comme un quidam sans pour autant obéir à certains codes comme celui de pleurer la mort de sa mère ou encore celui d’épouser une femme non parce qu’on l’aime d’amour mais parce qu’elle le demande. En somme c’est appartenir à notre monde tout en ne pouvant pas être ce que l’on attend de quelqu’un de normal. Alors qu’il passe en jugement pour légitime défense, finalement on fait le procès d’un personnage dénué de tout sentiment sans chercher à comprendre qu’il vit à sa manière sans faire de tort à qui que ce soit. Condamné à la peine de mort, il se retrouve devant ce jugement insensé puisqu’il a été jugé sur le fait qu’il n’était pas de la société, hors parallèlement, il n’est pas du tout associable. Confrontée à cette impasse, seule la révolte est possible. S’il n’y a qu’un seul sentiment qui émerge de lui c’est celui de la colère de ne pouvoir être parmi les autres tout en étant dans l’impossibilité de vivre selon ce que la société impose, il ne reste que l’insurrection pour finir par accepter la sentence de mort.
Certes, j’appartiens à ce monde et comme tous à une culture. Nonobstant, on pourrait dire que la vie ne m’habite pas. Les gens normaux pensent que vivre est inné, qu’être parfois déprimée est normal mais que ce n’est pas une raison pour se laisser aller. Si seulement il ne s’agissait que de cela. Non, vivre n’est pas inné.
La volonté est impuissante devant tel ravage quand la vie semble vous avoir abandonné sur un rivage fait d’une souffrance psychique aussi puissante que dévastatrice. Il ne s’agit pas de la flemme de se lever, puis de se laver, puis de dire bonjour aux autres, il s’agit plutôt de se concentrer pour faire face à la douleur qui semble être emprunte de tous les sentiments négatifs existants, de se traîner jusqu’à la douche, de mettre un temps fou à s’habiller etc ?
On ne nous accepte pas car nous sommes en dehors des conventions d’une maladie ? normale ?
Moins cela est palpable et visuel, moins il est évident de faire l’effort de comprendre ou du moins celui de reconnaître qu’il y a un vrai handicape de vie. Et d’un autre côté, se faire du mal est perçu comme "un appel pour attirer l’attention" alors que l’on essaye juste de se soulager de pulsions ou bien de faire en sorte que la douleur physique efface la souffrance morale. Les maladies dont on peut se faire une représentation permettent le fantasme. A mon sens, le mot "fantasme" est plus approprié dans le sens où le mot ? imagination ? est signe que l’on est passé de la représentation virtuelle à un début de concrétisation. Exemple : on fantasme sur la maison de nos rêves, on l’imagine au moment où l’on échafaude des plans jusqu’au moment de sa concrétisation.
Aristote explicite for bien ce processus et on peut en déduire l’abus de langage qui trône de nos jours ; abus de langages qui conduisent à beaucoup d’incompréhensions entre les gens car la première chose nécessaire à toute forme d’idée et tout dialogue est d’avoir une bonne représentation des choses).
Somme toute, j’ai parfois l’impression de vivre la dépression sous une autre forme de la dysphorie, à savoir, l’une me laisse sur le bord de la route sans pouvoir basculer sur la file de la vie ni celle de la mort tout comme l’autre m’aplatit ente deux murs qui se resserrent sans fin. Quoiqu’il en soit, la dépression absorbe complètement l’énergie vitale de manière stupéfiante.
Je crois que je commence à répondre à cette fameuse question qui me hante depuis beaucoup d’années. En fin de compte, j’ai l’impression que la différence entre celui qui se suicide et celui qui ne le fait pas, réside dans le fait d’avoir une roue de secours. Je veux dire par là que, celui qui en finit ne voit plus d’échappatoires, ne trouve plus aucune solution possible aussi infime soit-elle. A contrario, celui qui ne bascule pas de l’autre côté, même s’il l’effleure est celui pour qui espère malgré tout qu’il y a une chance, qu’il y a un ? peut-être ? aussi dérisoire soit-il. Bien sûr, je ne puis affirmer tout ceci, ce ne sont que des suppositions.
Quand je repense à ma vie, à chaque fois, je commence par voir tout en noir et toujours je finis par regretter d’être en vie.
Cela fait trois jours que je tourne en rond dans cet état déplorable. J’aimerais tant que l’on m’accorde quelques jours de répit pour souffler un peu. Je sais que ce n’est pas une solution appropriée étant donné qu’en restant chez moi, il n’y aura pas d’amélioration notoire. A la rigueur, cela me donnerait tout de même le droit légitime de ne pas être opérationnelle pour deux sous.
Je me mutile
En ce qui concerne les mutilations, je crois que petit à petit, les envies s’amoindrissent. J’avais mesuré les plaies par curiosité. Les deux entailles faisaient 1 centimètre et 0,7 centimètre de large. Je n’ai pas mesuré la longueur. A présent que tout est cicatrisé, on dirait de simples coupures ordinaires. C’est assez étonnant de voir les bords de la peau si éloignés se rejoindre aussi vite. Le corps humain est une machine dont les rouages sont meilleurs que toute autre. D’ailleurs j’en discutais, il y a quelques semaines, avec mon dentiste qui est passionné sur tous les sujets. J’adore mon dentiste, c’est un régal de le visiter à chaque fois d’autant que je ne crains pas les dents, bien au contraire, cela me relaxe à tel point qu’au sortir de son cabinet je me sens à chaque fois revigorée.
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