6) Stress au travail et tempéraments
31/05/2015
Auteur : Dr Hantouche
Anxiété / TOC > Burnout
Les tempéraments prédictifs du stress au travail
En 2005, une étude originale (Sakai et al) a été réalisée dans une grande entreprise japonaise, avec lʼobjectif dʼévaluer de manière systématique les tempéraments affectifs et leurs effets éventuels sur le stress professionnel. Un groupe de 848 hommes et 366 femmes ont rempli le questionnaire TEMPS-A, le test de personnalité de Munich et le questionnaire GJSQ (évaluation du stress généré par le travail).
Les résultats montrent que les tempéraments sont prédictifs du stress au travail. Pour les stress liés aux relations interpersonnelles, les tempéraments sont plus puissants que les autres variables, comme le sexe, lʼâge et le rang professionnel. De plus, cʼest le tempérament irritable qui sʼavère être associé avec la vulnérabilité la plus évidente, suivi par les tempéraments cyclothymique et anxieux. En revanche, lʼhyperthymique présente le plus de robustesse face aux stress professionnels, et le dépressif également mais de manière moins forte.
Il est donc clair que les tempéraments influencent le stress professionnel, en agissant surtout sur la qualité des relations interpersonnelles et moins sur le stress liés à la surcharge de travail. Ces résultats confirment des formulations théoriques antérieures qui défendent lʼidée que les tempéraments « stables », hyperthymique et dépressif, sont les plus « hyper adaptés » au milieu professionnel.
Resistance et cyclothymie ou dépression immature
Tominaga et al (2012) reprennent cette étude avec des analyses supplémentaires montrant lʼimpact des tempéraments, notamment le >cyclothymique sur la prévalence de la dépression au sein des employés de lʼentreprise japonaise. Le risque relatif est estimé à 11,4 (ce qui signifie que la présence du tempérament cyclothymique multiplie par 11 fois le risque de développer une dépression). La pression au travail, les exigences et les contraintes ainsi que lʼengagement, sont des facteurs de risque de développer des symptômes dépressifs. Mais in fine, cʼest le tempérament qui module la réactivité à ces stress et par conséquent lʼadaptation aux conditions de travail. Cette dépression associée à la cyclothymie renvoie au trouble bipolaire type II- ½ (selon Akiskal et Pinto) avec ses formes cliniques mixtes (anxieuse – agitée – impulsive) et les traits de personnalité dépendante – agressive vis-à-vis des figures dʼautorité dans lʼentreprise.
Les auteurs japonais lui confèrent une autre désignation « Dépression type Immature » dont la prévalence est en augmentation constante au Japon. Ces personnes sont décrites comme assez sensibles et réactives aux stress professionnels avec des sentiments profonds et chroniques de frustration. Les auteurs font la distinction entre la dépression immature et une dépression plus classique qui est en rapport avec le Typus Melancolicus (ou la personnalité japonaise type A) marqué par des traits obsessionnels et perfectionnistes avec la poursuite dʼune identification avec les normes sociales. Cette dépression semble bien réagir aux antidépresseurs permettant une meilleure adaptation au travail et une protection contre les rechutes après reprise du travail. En revanche, la dépression « type immature » réagit assez mal aux antidépresseurs, car plus proche de la dépression cyclothymique. Cette forme de dépression nécessite un dépistage précoce (avant la survenue des complications et des arrêts de travail) et un traitement adapté (en évitant les antidépresseurs et surtout en offrant à ces personnes sensibles un climat de soutien et de sécurité interpersonnelle).
Lʼhyperthymie chez les managers
Maremanni et al (2010) ont exploré les rôles adaptatifs et modulateurs des tempéraments au niveau des orientations (comme être candidat pour lʼarmée de lʼair ou navale) et des succès de recrutement.
Lʼétude a comparé un groupe de 1548 candidats postulant pour devenir officier-cadet dans lʼarmée de lʼair italienne avec des groupes de pairs déviants et non déviants. De plus, la comparaison a porté sur des groupes de candidats qui ont échoué aux tests dʼadmission ou aux tests psychologiques spécifiques.
Les analyses sur les tempéraments convergent vers un résultat flagrant : la combinaison de scores élevés sur le tempérament hyperthymique avec des scores les plus bas sur le tempérament cyclothymique correspond au profil des candidats ayant réussi leur application pour devenir des officiers de lʼarmée de lʼair. La spécificité de cette corrélation avec le tempérament hyperthymique est confirmée chez les candidats qui tentent une deuxième application après avoir échoué aux tests dʼadmission. Le profil tempéramental opposé (ou cyclothymique) est plus prévalent chez les contrôles (non appliquant à ce poste), chez les candidats qui postulent pour la première fois et surtout chez ceux qui ont été exclus en raison des résultats négatifs aux tests psychologiques. De plus, le tempérament hyperthymique se révèle à lʼopposé du cyclothymique et dépressif à travers les analyses de correspondances avec lʼéchelle EAS (Emotional-Affective State Rating Scale) qui évalue les réponses émotionnelles liées à des situations stressantes. Des états émotionnels « désirables » caractérisent les hyperthymiques et les opposent aux autres tempéraments.
Une autre étude italienne (Rovai et al, 2013) réalisée chez les candidats pour lʼarmée navale (921 candidats) a montré des correspondances entre les tempéraments et le questionnaire OPQ32 (Questionnaire de personnalité et travail) : chez les hyperthymiques, on observe une élévation de lʼintensité émotionnelle et la capacité dʼêtre avec les autres ; chez les irritables, un niveau dʼénergie élevé mais associé à un niveau faible dʼempathie ; chez les dépressifs, une faible capacité de rapports avec les autres ; et chez les cyclothymiques, plus de créativité mais faibles niveau de rapports avec les autres.
En France
En France, on manque dʼétudes incluant les tempéraments affectifs et le stress professionnel. Dans mon expérience clinique, je constate leur impact sur lʼéquilibre des patients dans leur vie professionnelle, notamment à travers une « bonne » harmonie entre le tempérament et le choix du travail et également à travers une sécurité relationnelle (reconnaissance des capacités et respect de la personne).
Références
Tempéraments affectifs et personnalités
Evaluez votre hyperthymie
