Aller vers une psychopharmacologie hippocratique
1/01/2008
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Dans l’école d’Hippocrate, on apprend que c’est la nature qui guérit et le rôle du médecin est de faciliter la tâche de la nature. Hippocrate préconisait les règles de diète, les exercices et le vin, tout pour renforcer les processus naturels de guérison. Par contre, selon l’école de Galien, la nature est la source des maladies et le rôle des médecins est de combattre cette nature pathologique. On comprend bien les conséquences de chaque école et surtout on comprend les excès de prescriptions des médicaments, notamment celle des antidépresseurs.
La psychopharmacologie Hippocratique est basée sur deux principes fondamentaux :
1- Traiter la maladie et non les symptômes :
Le clinicien doit être capable de rassembler l’ensemble des signes et symptômes dans un cadre spécifique. Dans la cyclothymie, plusieurs symptômes et syndromes peuvent chacun justifier un traitement (épisodes dépressifs et hypomaniaques, les troubles du sommeil, les anxiétés co-morbides, les troubles de l’attention, les troubles cognitifs, les troubles de contrôle des impulsions, les addictions ). Si on ne cible pas la maladie de base, la cyclothymie, on imagine bien que tous les psychotropes existants peuvent être donc prescrits à un seul patient. Alors que dans l’approche hippocratique, la question est de cibler la maladie, à savoir la cyclicité et la circularité des troubles de l’humeur, donc donner un traitement censé atténuer les dérèglements thymiques et protéger au long cours contre les rechutes. Donc, prescrire un traitement spécifique (un thymorégulateur) au début du trouble à une dose modérée serait plus approprié et bénéfique sur la majorité des symptômes (moodswings, dépression, troubles du sommeil, anxiété, trouble de l’attention, instabilité, impulsivité, virages ). En plus, les traitements des épisodes majeurs qui peuvent survenir par la suite seront optionnels.
2- les médicaments sont coupables jusqu’à preuve du contraire
Le clinicien doit orienter avant tout son traitement vers les "bénéfices" (donc s’assurer avant tout des preuves de leur efficacité) et non de la tolérance (donner un médicament qui n’induit pas d’effets secondaires ; pour cela, le placebo serait le meilleur choix). Penser que le médicament est coupable, signifie qu’un bon traitement n’est pas neutre et que le choix doit être bien réfléchi avant de le prescrire. Par exemple, chez un cyclothymique traité de manière continue avec un thymorégulateur et qui présente un épisode dépressif majeur, quel serait le choix : donner un antidépresseur bien toléré ou juste attendre et éventuellement adapter le traitement thymorégulateur. Les données actuelles nous montrent qu’il est préférable de patienter que de se précipiter à donner des antidépresseurs (ceux-ci ne sont pas plus efficaces que le placebo dans les dépressions bipolaires). Toutefois, un nombre non négligeable de patients bipolaires a besoin d’antidépresseurs et parfois au long cours.
En appliquant ces 2 règles basiques, le clinicien fera son choix parmi une liste restreinte de "bons" médicaments adaptés au trouble basique, la cyclothymie. Il évitera les complications fâcheuses et inutiles des neuroleptiques (syndrome parkinsonien, troubles moteurs, passivité, virages dépressifs) et des antidépresseurs (virages maniaques, cycles rapides, états mixtes ).
Certains experts sceptiques disent qu’on voit peu de résultats efficaces avec une monothérapie de thymorégulateur. C’est vrai parce que peu de cliniciens le font ! Souvent, le thymorégulateur est prescrit en second lieu après des années d’antidépresseurs, d’anti-psychotiques et d’anxiolytiques. Ainsi le trouble se complique avant d’instaurer le traitement adéquat. Pour cela, j’insiste ici que la clé de la réussite d’une approche hippocratique est un diagnostic correct et complet le plus tôt possible.
Qu’est-ce qui convient au mieux à la cyclothymie : Galien ou Hippocrate ?
Dans la cyclothymie, la nature est en même temps la cause du mal et la source de sa guérison. Force est d’agir sur les causes primaires tout en respectant la nature de la personne. Donc jamais traiter en "cassant" cette nature, et quand il s’agit de traiter, il faut bien cibler les choix et éviter les superflus et les adjuvants.
Référence
Surconsommation des antidépresseurs chez les patients bipolaires
Premiers traitements des nouveaux bipolaires
