Facteurs cliniques prédictifs de la non reconnaissance des troubles BP-I et BP-II
31/12/2008
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Spectre bipolaire : dépistage
Lʼétude
Belle étude (1) sur les caractéristiques cliniques des troubles Bipolaires non reconnus.
C’est probablement la première étude ayant comparé chez des patients bipolaires suivis en psychiatrie les caractéristiques cliniques des cas avec ou sans le diagnostic de bipolarité. L’idée est de savoir les facteurs qui rendent le diagnostic de bipolarité plus visible ou dans le sens inverse ’invisible’ aux yeux des psychiatres.
La méthode a consisté de sélectionner 1630 patients hospitalisés ou suivis en psychiatrie, à l’aide du questionnaire des troubles de l’humeur (le MDQ). Les cas avec suspicion de diagnostic de bipolarité ont été diagnostiqués en utilisant l’interview structuré du DSM-IV (SCID-I/P). Les patients sans diagnostic préalable de bipolarité, malgré la présence des épisodes antérieurs de manie, hypomanie ou mixtes ont été classés comme "groupe BP non reconnue". Les caractéristiques cliniques du groupe "BP-I non reconnu" (n = 23 de la population de 90 patients diagnostiqués BP-I dans l’étude, soit 25,5%) et du groupe "BP-II non reconnu" (n = 47 de la population de 93 patients diagnostiqués BP-II, soit 50,5%) ont été comparées aux groupes BP-I et BP-II, correctement reconnus antérieurement à l’étude.
Les résultats montrent que l’absence de reconnaissance de BP-I est expliquée par des facteurs comme : l’absence d’hospitalisations (OR = 10,6, p = 0,001), l’absence de symptômes psychotiques (OR = 4,4, p = 0,045) et la présence de cycles rapides (OR = 11,6, p = 0,001).
La non-reconnaissance de BP-II est expliquée par l’absence de signes psychotiques (OR = 3,3, p = 0,01), le sexe féminin (OR = 3,0, p = 0,03) et la durée plus courte de traitement (OR = 1,1, p = 0,03).
Les auteurs concluent que le diagnostic correct de BP-I est lié à la sévérité des épisodes conduisant à l’hospitalisation psychiatrique.
En revanche, concernant le trouble BP-II, les facteurs relatifs au trouble ne semblent pas aussi importants que la durée des traitements. Une durée courte de traitement est donc susceptible de retarder le diagnostic de BP-II, voir même de prédire sa non reconnaissance tout court.
En fait, les approches basées essentiellement sur les tableaux cliniques typiques (bipolarité considérée comme une psychose) de la bipolarité et sur des évaluations transversales et ponctuelles de l’épisode en cours (dépression majeure) sont prédictives d’une non reconnaissance de la bipolarité.
Enfin, le défi est d’améliorer le dépistage de la bipolarité chez les patients jamais hospitalisés et suivis en ambulatoire.
Commentaire CTAH
Très belle étude qui reflète la réalité des diagnostics portés actuellement en psychiatrie. Elle incite à adopter des approches diagnostiques qui tiennent compte de l’évolution du trouble et ne pas limiter le diagnostic de bipolarité aux cas avec des signes psychotiques.
Par exemple, une femme bipolaire jamais hospitalisée, sans signes psychotiques, avec des cycles rapides et pas longtemps traitée, a de faible chance d’être correctement diagnostiquée. Mais c’est le cas de la majorité des BP-II et des cyclothymiques !
Un détail = le MDQ et le SCID sont de bons outils de dépistage mais pas les plus sensibles pour capter l’ensemble du spectre bipolaire, notamment les cas de cyclothymie et d’hypomanie brève.
Au CTAH, tous les patients doivent remplir les questionnaires de l’hypomanie et de cyclothymie. Dans un protocole en cours, on a ajouté le MDQ, la CLH-32 (questionnaire d’hypomanie â 32 items) et les questionnaires d’Intensité Affective et des tempéraments Hyperthymique, dépressif et irritable, ainsi que le questionnaire établi avec Marie (forum bipolaire-info).
Sources
Outi Mantere, Kirsi Suominen, Petri Arvilommi, Hanna Valtonen,â??Sami Leppï?mï?ki, and Erkki Isometsï
From the Department of Mental Health and Alcohol Research, National Public Health Institute, Helsinki; Department of Psychiatry, Jorvi Hospital, Helsinki University Central Hospital, Espoo; and Department of Psychiatry, Helsinki University Central Hospital, Helsinki, Finland
Publié dans le journal Bipolar Disorders 2008; 10 (2): 238-244