Origines de la cyclothymie
27/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie
Les dixits des auteurs en psychiatrie dans le temps
Les deux pionniers de la Cyclothymie, Ewald Hecker (1843-1909) et Karl Ludwig Kahlbaum (1828-1899) ont travaillé tous les deux en dehors du milieu universitaire, mais ont été assez méticuleux dans l’observation des signes cliniques et des cours évolutifs des patients. Ce qui représente le fondement d’une psychiatrie descriptive moderne. Leurs travaux ont largement influencé Kraepelin et leurs approches cliniques continuent de dominer les classifications actuelles des troubles mentaux. Hecker a réussi de populariser de nombreux concepts syndromiques dont la cyclothymie et l’hébéphrénie.
La cyclothymie, introduite par Kahlbaum en 1882, a été ainsi développée comme une forme bénigne de la maladie manaico-dépressive en incluant les phases dépressives, hypomaniaques et mixtes. Le syndrome cyclothymique de Kahlbaum - Hecker (figure en bas de page), survit toujours dans le DSM-IV dans les rubriques : trouble bipolaire type II et cyclothymie. Le travail de Hecker’s est synthétisé dans un article paru en 1898.
Dans une remarquable observation, le grand aliéniste de Charenton, ESQUIROL (1838) semble avoir perçu l’existence d’oscillations de l’humeur, légères, répétées, presque inapparentes, n’entravant pas ’insertion sociale et présentant un caractère saisonnier :
"Mme de R ... passe l’hiver très active, occupée de ses intérêts, aimant la société, recherchant le monde et faisant beaucoup d’exercice. Au printemps et pendant ’été, Mme de R est calme, plus sédentaire, paresseuse, vivant seule, négligeant les soins de sa fortune et ne se décidant à rien. Dans ces deux états, qui se sont renouvelés alternativement pendant plusieurs années, Mme de R remplissait ses devoirs d’excellente mère, ne manquait â aucune des convenances sociales ; Il fallait vivre dans son intimité pour s’apercevoir de la différence de sa manière d’être..."
Marcé (1862), dans l’un des premiers traités français de psychiatrie, relevait la fréquence des formes atténuées et suggérait l’existence des personnalités bipolaires : "l’excitation et la dépression constituent simplement des différences dans le degré de l’activité intellectuelle, à tel point que la maladie peut rester méconnue et être longtemps jugée souvent comme une simple bizarrerie dans le caractère et la manière d’être du sujet."
En 1898, Hecker aborde la cyclothymie comme une "maladie circulaire de la sensibilité émotionnelle". Il l’a définit comme une variante légère mais distincte et autonome de la folie maniaque (il s’agit de la première distinction entre BP I et BP II !), sans délire, avec conscience morbide, persistante sur la vie (sans intervalles libres), avec une méconnaissance des phases d’excitation
Gaston DENY, publie en 1908, le premier article français sur la cyclothymie. Il considérait la cyclothymie comme une "constitution psychique spéciale" se manifestant pendant toute l’existence à partir de l’adolescence dont les frontières avec la pathologie maniaco-dépressive sont impossibles à tracer, de cause uniquement héréditaire et à prédominance féminine. Les idées de Hecker ainsi que de Deny sont d’actualité, basées sur des observations cliniques minutieuses.
"Ce sont des sujets que l’on voit passer brusquement et sans motifs suffisants de l’enthousiasme au découragement, de la hardiesse à la timidité, de l’altruisme à l’égoïsme... de l’expansion à la dépression dans les différents domaines de la sensibilité, de l’intelligence et de la volonté... Les états cyclothymiques se succèdent et se remplacent habituellement au bout de quelques heures ou de quelques jours... Il ne me paraît pas douteux que ces différents malades qui sont tous, à des degrés divers, des inquiets, des préoccupés, des obsédés, des phobiques... ne soient pas réunis dans un seul groupe nosologique...".
DENY cite le cas d’un professeur de Piano, alternativement excité et hyperactif un jour, déprimé, abattu et clinophile le lendemain : la famille est capable de déterminer plusieurs mois à l’avance les jours où il pourra travailler.
Cette entité, nettement précisée n’a pas été poursuivie et développée par la suite. Est-ce la faute à la naissance de la psychanalyse "qui en théorie" n’admet pas le concept de "constitution" ou qui n’a rien compris dès le début au trouble cyclothymique. D’ailleurs Freud n’a pas écrit un seul chapitre sur la cyclothymie ! De plus, curieux de constater que Freud est né la même année que Kraepelin - probablement c’est leur seul point commun !