Commençons par l'histoire de Marco : Marco est un garçon de 8 ans, présentant un trouble bipolaire juvénile. Comme les autres enfants, il aime s'amuser, jouer avec les copains, nager et faire du sport. Il aime aussi jouer à des jeux vidéo et passer du temps avec la famille. Il a un frère, Bruno, âgé de 15 ans et une sœur, Amandine, âgée de 6 ans. Il a une vie comme les autres mais il se sent différent des autres...
Les premières manifestations observables de la bipolarité ne sont pas nécessairement celles que l'on rencontre chez les patients adultes.
L'épisode maniaque se déclare souvent brutalement ; l'humeur est caractérisée par une euphorie pathologique et des idées et sentiments de grandeur. L'anomalie la plus commune est une humeur irritable avec des orages affectifs ou des explosions agressives. Cette irritabilité est sévère, persistante et parfois violente malgré la réassurance des parents. Au cours de ces explosions, le jeune est menaçant avec des comportements d'attaque dirigés vers la famille, des adultes, d'autres enfants ou les enseignants. Entre les explosions, le jeune est décrit irritable, mal dans sa peau, impatient, incapable de rester calme, hyperactif avec une activité mal dirigée et peu organisée. En conséquence, le fonctionnement global est assez bas et l'intensité de la désadaptation conduit souvent à une hospitalisation en psychiatrie ou à un traitement anti-maniaque urgent.
Les épisodes dépressifs comportent souvent des symptômes typiques, comme le ralentissement psychomoteur, une forte inhibition, une réduction des intérêts et des activités agréables, un mauvais sommeil, des troubles de l'appétit, des difficultés de concentration et une baisse de l'activité scolaire… L'irritabilité et la colère dominent sur la tristesse proprement dite et l'humeur demeure sensible aux événements extérieurs ; elle s'améliore avec les bonnes nouvelles. On observe souvent des plaintes somatiques avec beaucoup d'anxiété. Le travail scolaire est altéré avec une baisse massive de l'attention. Dans ces phases, les signes d'anxiété de séparation et de la sensibilité au rejet sont accentués, et les idées suicidaires sont fréquentes. Le risque de passage à l'acte est élevé dans la dépression bipolaire. Un nombre non négligeable de dépression juvénile présente un virage maniaque de manière naturelle ou après une exposition à un antidépresseur.
Des éléments marquent la différence entre la bipolarité juvénile et celle de l'adulte :
Le tableau clinique qui domine chez les jeunes bipolaires est représenté par :
Caroline, 10 ans, pose des soucis à ses instituteurs ainsi qu'à ses parents. Elle est lente et inattentive en classe. Elle ne rentre pas dans les apprentissages comme les autres enfants. Il lui faut plus de temps et d'attention que les autres élèves. Sa mère est institutrice et reprend chaque soir les leçons du jour afin que Caroline ne décroche pas et ne se désespère pas ! Ni les séances d'orthophonie, ni la gestion mentale n'aident cette petite fille. Un bilan neurologique complet ne détecte aucune anomalie. Une psychothérapie classique de deux ans n'améliore rien. Rien ne marche. Mais Caroline souffre d'un déficit de l'attention, ses pensées sont souvent bloquées. Elle est très active, sportive, toujours dehors et ne peut pas rester enfermée chez elle. Elle change sans cesse d'activités. Elle est aussi hypersensible, difficile à cadrer, à raisonner et avec laquelle on est toujours à court d'arguments ! Petite elle était capricieuse et coléreuse. Elle a toujours eu du mal à s'endormir et cela dure encore. Les réveils sont donc difficiles. Son frère et sa sœur n'en peuvent plus, elle attire toute l'attention de leur mère. Avant ni les médecins, pédiatres et neurologues, ni les psychologues n'ont évoqué ce diagnostic. Pour la mère, c'était une vraie révélation ! et un soulagement ?
Valentine (6 ans) et sa mère sont désemparées, désespérées, incomprises et rejetées aussi bien par leur entourage proche que par la société. À l'âge de 4 ans, les parents sont convoqués à l'école pour des conduites d'opposition en classe (refus des consignes, absence de participation aux activités, mauvaise influence sur les autres enfants). Les parents consultent 3 pédopsychiatres dont le verdict était « petite dernière, enfant difficile ». Par la suite, les parents ont entrepris une thérapie familiale qui n'a strictement rien apporté si ce n'est casser les parents et ajouter une dose supplémentaire de détresse. La mère pleurait tout au long de la thérapie. À l'âge de 7 ans, Valentine a été de nouveau vue en pédopsychiatrie pour apparition de TOC sévère induisant une déscolarisation. Dans son TOC, Valentine était incapable de quitter le domicile. Ce qui la bloquait, ce sont des idées de doute, des pensées méchantes et des rituels complexes d'habillage. Après une semaine de traitement antidépresseur, Valentine est métamorphosée. Elle est plus joyeuse et agréable, mais en même temps, la mère la trouve agitée, énervée, presque trop joyeuse, et toujours réticente pour aller à l'école et bloquée par ses rituels.
Albert, 13 ans, est reçu aux urgences suite à une tentative de suicide. Le bilan clinique fait par le pédopsychiatre de garde conclut au diagnostic de Dépression Majeure. Un traitement antidépresseur a été mis en place. Deux semaines après, la mère observe un changement radical de l'état d'Albert. Il se comporte de manière bizarre, il est excité, rigole pour un rien (alors que ce n'est pas dans ses habitudes), ne dort que quelques heures par nuit et ne semble pas fatigué. De plus, la mère a découvert une consommation récente de cannabis. Albert a présenté un virage de l'humeur sous l'effet du traitement antidépresseur qui a permis de corriger le diagnostic et de mettre en route un traitement stabilisateur de l'humeur.
La majorité des enquêtes cliniques et épidémiologiques est centrée sur la Dépression des jeunes ; de ces enquêtes on peut retenir montrent que :
Ces données suggèrent l'existence d'une continuité entre les symptômes BP au cours de l'enfance et chez l'adulte.
La littérature internationale abonde actuellement sur les troubles bipolaires juvéniles ; voici quelques références :
La littérature française n'est pas pour l'instant assez riche pour les troubles bipolaires chez les jeunes ; cependant nous avons répertorié quelques ouvrages récents :