Définition et utilité du spectre bipolaire selon Hagop Akiskal
18/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Spectre bipolaire : dépistage
Le spectre bipolaire
Le terme "Bipolar spectrum" apparaît pour la première fois dans la littérature psychiatrique en 1977 dans un article présentant les résultats d’un suivi prospectif de patients cyclothymiques. La majorité de ces patients a développé un trouble BP-II (épisodes d’hypomanie) et peu de trouble BP type I. Environ, la moitié des patients ayant reçu des antidépresseurs a développé une accélération des cycles. Le plus d’évidence scientifique en faveur du concept "spectre bipolaire" a été fourni ces dernières années. Ces formes sub-cliniques (au-dessous du seuil fixé dans le DSM-IV) ont été identifiées dans la communauté ainsi que dans les populations cliniques. On note certains passages des formes atténuées aux formes BP-I.
Ce spectre comporte en plus des BP-I, BP-II, les hypomanies brèves, les hypomanies induites par les antidépresseurs, et les dépressions émergeant dans des tempéraments cyclothymique et hyperthymique, ainsi que les dépressions avec des symptômes d’hypomanie intra-épisodique (état dépressif mixte). Malgré les critiques à l’égard de la notion de spectre bipolaire, la majorité des formes citées a été validée dans diverses études internationales dont 2 études nationales en France et Pologne.
Le spectre de la bipolarité inclut cinq formes de troubles bipolaires :
Plus tard, la fréquence de chacune de ces sous-catégories de troubles bipolaires a pu être chiffrée : 18% de type BP-I, 18% de type BP-II, 9% de type BP-III, 5% de cyclothymiques et 50% d’unipolaires (dont 6% étaient des dysthymiques). Dans l’échantillon particulier des patients recrutés pour cette étude, qui étaient des patients hospitalisés, il n’y avait pas de bipolaires IV (Akiskal et Mallya, 1987).
Cassano (institut psychiatrique de Pise) a été un des premiers à être convaincu de l’existence d’un spectre de la bipolarité dans une perspective familiale.
Avec Cassano, nous avons comparé l’histoire familiale de patients présentant différents types de troubles bipolaires, en incluant aussi des unipolaires dans l’étude. Nous avons étudié 687 patients, et nous avons montré que les bipolaires de type I, II et IV ont significativement plus d’antécédents de bipolarité que les patients purement unipolaires. Les résultats montraient aussi que les bipolaires II et IV ont la même fréquence d’antécédents de bipolarité (nous avions dans cette étude rattaché les bipolaires III au groupe des bipolaires II). Cette étude constituait une nouvelle démonstration, selon des données familiales, du spectre de la bipolarité (Cassano et al 1992).
En 1987, Pierre Pichot a demandé à Hagop Akiskal de faire une conférence reprenant les arguments contre la dichotomie (Akiskal et Akiskal 1988). Cette conférence devant un public français a eu pour conséquence d’imaginer les études EPIMAN et EPIDEP, faites en France. L’étude EPIDEP (qui a inclus 493 patients) a montré que les patients qui souffrent d’un trouble bipolaire de type III ont des antécédents familiaux importants de bipolarité, similaires à ceux qui ont un trouble bipolaire de type II (Akiskal et al 2003). Il serait ainsi nécessaire d’avoir une forme de "permission familiale" pour présenter un trouble bipolaire de type III. Cela s’accorde avec l’idée qui propose que les bipolaires de type III ne sont pas très différents des type II, c’est-à-dire que le virage hypomaniaque chez les type III n’est pas tant un effet indésirable pharmacologique que la révélation d’une bipolarité endogène. Le trouble bipolaire de type III serait donc à situer du côté d’une disposition naturelle, et on peut dire que le virage hypomaniaque chez les bipolaires III se situe dans le cadre de la diathèse bipolaire.
Le schéma du spectre bipolaire
Voici une schématisation des spectres bipolaire selon que la dépression soit mineure ou majeure et selon la dominance du tempérament affectif :
Troubles BP mineurs (dépression mineure)
Trouble BP-II (Dépression majeure)
Et la dernière classification du spectre BP proposée par Hagop Akiskal et Olavo Pinto en 1999 :
Nécessité de la notion de spectre bipolaire
Pour Akiskal, la notion de "spectre bipolaire" est importante en termes:
Par exemple, certaines variables de la bipolarité atténuée sont actuellement considérées comme des endophénotypes comportementaux et certains gènes sont actuellement identifiés comme liés à ces phénotypes.
Accepter la notion de spectre bipolaire élargi sans aucune critique n’est pas du tout justifié ni recommandé. Cependant, critiquer sans être familier avec la littérature ancienne et moderne n’est pas acceptable. Tout cela est pour dire qu’il est urgent que la recherche et le développement des médicaments doivent s’intéresser au spectre bipolaire. En attendant, on ne fait qu’appliquer ce qui est accepté pour les troubles majeurs (BP-I). Même, pour les psychothérapies et notamment la psychoéducation, des modèles et des formats doivent être spécifiquement créés et adaptés pour le trouble BP-II et la Cyclothymie.
Rappel des définitions du spectre bipolaire
