Obsessions sexuelles et hyperthymie
13/03/2011
Auteur : M Trybou
Anxiété / TOC > Thérapie individuelle pour le TOC
Elle décrit des lavages de mains dans l’enfance. Des premières pensées intrusives apparaissent à l’âge de 12 ans : "Mon cerveau me disait "zizi papa", je me forçais à penser à des amis et cela partait. Ca a duré un mois. J’ai toujours eu en filigrane la peur de faire du mal à des enfants, de mal m’en occuper, mais sans scénario clair, ou évitements".
De 18 à 25 ans, Mlle L. est à l’université et développe un Trouble d’Anxiété Généralisée : "Je n’avais pas de TOC mais j’étais hyper anxieuse pour les cours. Je devais appeler mes amis pour vérifier les cours, de peur des oublis, tellement j’étais stressée. C’était un catastrophisme perpétuel, et quand les examens étaient finis cela retombait. Ce n’était pas de l’anticipation mais la peur de ne pas donner assez, peur de regretter si je ne vais pas au bout des choses".
A 25 ans, un Etat Dépressif est trouvé, suite à une rupture amoureuse, avec tristesse et anhédonie, et dure un mois, jusqu’à ce qu’elle se fasse à l’idée que plus rien n’est possible avec cet homme.
A 27 ans, en regardant la photo d’une amie en maillot de bain sur internet et se dit subitement "Est ce que cela te fait quelque chose ? ". Elle regarde plus intensément la photo tout en se demandant pourquoi elle vérifie. Elle commence à vérifier les photos d’autres amies pour en avoir le coeur net, avec ressentis dans le bas ventre. "J’ai commencé à vérifier pendant des heures, puis c’est passé avec les vacances". D’autres pensées intrusives surviennent progressivement (peur d’être lesbienne ou incestueuse) associées à des rituels d’évitements de l’internet, des vérifications de ses propres sensations physiques (prendre son pouls pour voir si elle est excitée, se focaliser sur les sensations au niveau du bas ventre), des exercices forcés d’imagination de rapports sexuels pour voir si elle est excitée, des rituels de réassurance (questions multiples aux parents).
Aucun élément d’hypomanie ou cyclothymie n’est trouvé. En revanche, le questionnaire de tempérament hyperthymique montre un score significatif, ce qui est surprenant car hyperthymie et TOC vont rarement ensemble (les TOC se retrouvent plutôt chez les patients cyclothymiques).
Suite au bilan au CTAH, Mlle L. fait 3 séances de TCC et a réussi à laisser couler les obsessions, moins vérifier son pouls, ne plus éviter internet ou ses amies, et ne plus poser de questions. Les rituels sont maintenant très rares et Mlle L. arrive à bien comprendre les phénomènes du TOC et la part de la "biologie du cerveau" dans les mécanismes impliqués dans la formation ou l’entretien du TOC. Le rôle du tempérament sera détaillé plus loin ; Lui aussi, comporte une base biologique différente du TOC.
La TCC s’est déroulée comme suit :
La présence de traits hyperthymiques dans ce cas de TOC est intéressante à analyser.
En effet, les traits hyperthymiques sont plus fréquents chez les hommes que les femmes. La présence d’une hyperthymie peut traduire un genre masculin du cerveau et créer une sorte de mixité entre le sexe cérébral et le sexe de la personne. Cette mixité peut être à l’origine des doutes sur l’identité sexuelle de Mlle L. comme avoir le souci de savoir si elle était homosexuelle ou pas.
De plus, il a été signalé dans le bilan que le tempérament hyperthymique a été renforcé par son éducation. D’habitude, ce renforcement est observé chez les garçons.
Le tempérament hyperthymique exerce un effet d’intensité affective et comportementale qui se manifeste dans la façon de la personne pour lutter contre ses obsessions. En d’autres termes, l’analyse de ce cas, nous amène à réfléchir plus sur le style émotionnel (intensité affective) de Mlle L. que sur le contenu de ses obsessions (qui serait un piège légitimant le doute sur son identité).
Ainsi, l’hyperthymie devient la cible du traitement pharmacologique : pas d’antidépresseur ; lithium à des doses assez basses (200 mg).
L’atténuation de l’intensité affective facilitera le déroulement des séances de TCC et facilitera l’acquisition de nouveaux schémas pour contrer le doute et les obsessions.
Ps :
notre riche expérience au CTAH auprès de centaines de patients souffrant de TOC montre à l’évidence que les formes cliniques à dominante obsessionnelle (avec des obsessions à thème sexuel) sont souvent liées à un trouble bipolaire type cyclothymique et/ou hyperthymique.