Première catastrophe apocalytique
31/12/2008
Témoignages > Borderline
Première catastrophe apocalyptique : Je suis née.
Deuxième catastrophe apocalyptique : Je suis née aimée.
Pauvre petite princesse conditionnée à l’être, ma vie s’annonçait avec merveille. Comme une désillusion. Incontournable.
Cependant, devient incontournable ce qu’on a déjà tenté de contourner.
Là commence le combat : essayer de démonter ou d’éviter nos évidentes constructions érigées malgré nous par deux êtres qui, à priori, n’auraient rien à voir avec nous-mêmes : Nos parents.
Ils sont fous ces deux là.
Comme je me sentais bien avant de voir par mes propres yeux. Comme il était sécurisant de m’abandonner au contrôle de ceux qui m’adulaient. Ils étaient sensationnels. Bourrée d’amour que j’étais avec eux, sous notre toit, semblable à un plateau d’argent avec couvercle.
J’étais si bien qu’il me fut bientôt impossible de les quitter. Mais nous savons tous qu’un enfant doit pouvoir quitter ses parents, rien que pour aller à l’école par exemple. Or, impossible de sortir du nid : impossible d’aller à l’école.
Ah l’école ! Premier contact avec l’extérieur si essentiel pour le bien être d’un petit futur adulte responsable et bien dans ses baskets.
Que se passe-t- il quand cette première approche de la réalité se révèle être un vrai cauchemar, source d’angoisse sans nom et déclencheur de pathologie ?
C’est mal parti dans la vie en somme. Il faudra parcourir, courir, détruire, esquiver, contourner, ramasser, jeter, tomber, se relever avec le risque omniprésent d’échouer, de se perdre.
Une première contrainte vitale ne se suffit pas toujours à elle seule. Il est envisageable dans certains cas, qu’une deuxième, sorte de faire valoir, vienne l’amplifier et lui donner tout son sens.
Et c’est ainsi que la surprotection destructrice de mes parents s’est vu multiplier fois mille jusqu’à la névrose par un indicible événement qu’il a bien fallut dire un jour :l’inceste.
Un oncle qui ne savait pas ce qu’il faisait et qui par ses actions incontrôlées avaient fait s’écrouler le château d’une princesse.
Plus de repères, le peu de règles établies, les moindres structures qu’ils me restaient s’étaient évanouies.
Si une personne de mon cocon familial si doux et inoffensif m’avait trahi que pouvais-je espérer des autres, ceux que je ne connaissais pas mais qui m’effrayaient depuis longtemps déjà ?
Un trop plein d’amour empoisonné accompagné d’une trahison interne.
Pendant mes années d’adolescence, je me suis retrouvée devant un mur, paralysée par la peur, incapable d’avancer. J’ai beaucoup contourné mon mur car je n’étais pas encore assez courageuse pour sauter par-dessus. Lors de ces contournements j’ai rencontré des gens, comme moi ou presque, qui avaient déjà trop éprouvé pour leur âge, qui en avaient trop vu. Avec eux j’ai crée un monde imaginaire. Une imagination surement aussi dangereuse que notre réalité. Malgré cela, nous avons pris le risque puisque nous n’avions rien à perdre à part nous-mêmes. Il y avait des hommes et des femmes l’autodestruction n’a pas de sexe alors profitons en !
Nous en avons profité ensemble animés par la même souffrance. Ces soirées, ces journées même, où la seule délivrance est de perdre la tête, de ne plus penser, se sentir différents, enivrés, anesthésiés, stimulés, apaisés, endormis, morts et débarrassés. Débarrassés de quoi ? Apaisés de quelle souffrance ? En fin de compte nous ne le cernions même pas. Pas besoin d’explications psychanalytiques pour le moment. Enfin ! C’était bien trop tôt ! Profitons-en ! Nous dit-on, après tout vous êtes jeunes ! Jeunes, oui, bien trop jeunes, justement. Mais qui peut imaginer ce que j’ai vu de mes propres yeux ? La déchéance, ou bien pire la mort en sursis.
Deux seringues dans la même veine pour plus d’orgasme. Plus de crack dans ta bouteille pour plus de pouvoir. De la coke et de l’héro dans un même rail pour plus de défonce paradoxale (celle avec qui tu ne te comprends plus). Plus de taz, plus d’herbe, plus de Skye , plus de trips, plus de kétamine, plus de MDMA?????????????.
Réveil au plafond. Plus, toujours plus, rime aussi avec plus et toujours plus de mal être, de déprime, de confusion, de doutes, de douleurs insupportables, de questions sans réponses ?? Et en conclusion plus de suicides tout simplement.
C’est choses-là je les ai vues, vécues entre parenthèses, effleurées, mais analysées et observées pour de vrai. Pas comme dans ces films où finalement la drogue pour les jeunes c’est "fun".
Une période, tout simplement. Il faut s’en sortir arrêter là la destruction consentante.
Que vais-je faire de ma vie ? Quel est mon but ? Qu’est ce qui m’intéresse réellement ?
La réponse était évidente. J’étais une artiste. Une artiste oui, quoi de mieux qu’une artiste pour hurler au monde une souffrance ancrée au plus profond des trippes ?
Danseuse depuis petite, mon rêve fut vite brisée lorsqu’une professeure honnête et surement après réflexion, mal intentionnée m’a annoncé froidement et avec un détachement proche de l’ironie (du mauvais sort), que je ne pourrais jamais être danseuse professionnelle : Souci morphologique.
Bien : Au revoir Béjart, Pietragalla et autres Lac des cygnes...
Alors ? Quoi d’autres ? Je connais des jeunes filles dans ce cas qui se sont orientées vers la musique, la chanson, le théâtre? Pour moi ce fût le théâtre sans hésiter.
Adoratrice du déguisement, du changement de personnalité depuis mon plus jeune âge jusqu’à aujourd’hui. Le spectacle devait continuer.
Je fus admise à l’audition d’entrée dans un Conservatoire National d’Art Dramatique. Je faisais partie des neufs sélectionnés et j’en étais très fière. J’ai abandonné le chemin de l’école "scolaire" qui m’avait fait tant souffrir en début d’année de Terminale Littéraire : Je n’aurais jamais mon BAC. En contrepartie j’aurais de l’expérience, de la vraie, celle qu’on n’obtient pas sur examen et qui n’est écrit nulle part sauf dans votre âme.
Le conservatoire en fut une expérience très enrichissante, je me suis très vite prise au jeu ! Sans jeux de mots. J’ai beaucoup joué et enfin, me retrouver en "classe" avec ce schéma professeur-élèves ne m’angoissait plus. Du moins j’étais CAPABLE.
Première année, deuxième année, troisième année...
Sans problèmes jusqu’au jour où je me suis retrouvée face à mes propres démons, une fois de plus, sans le vouloir. Je suis tombée amoureuse d’un jeune homme comédien pur et sans expériences. Il m’a aimé en retour pendant huit mois et puis mes expériences à moi ont fini par le faire fuir. Je buvais trop, je prenais trop de médicaments, quelquefois je me droguais, pire : Une fois lorsque lui s’était endormi comme un ange, moi prise de panique, me retrouvant seule face à ma solitude que je redoutais tant, me suis auto-mutilée sans réserves pour lui montrer que j’avais besoin de lui.
C’en fut trop pour ce jeune homme qui décida de partir pour se préserver lui-même.
Je pense qu’il a eu raison.
Pour moi c’en fut autrement, après cette rupture, je suis rentrée de plein fouet dans la plus grosse dépression de ma vie jusqu’à maintenant. J’espère également bien sûr : La dernière. La vie, Ma vie s’arrêtait ici à 19 ans. J’ai hurlé mes trippes pendant des mois, je me suis coupée et recoupée encore et encore les bras, là ou il y les veines, pour voir le sang couler avec un vain espoir que chaque coupure soit la dernière, celle de trop, celle trop profonde et trop forte pareille à ma souffrance et qui m’emmènerait là où je serai sereine et apaisée, enfin.
Evidemment aucun de ces gestes ne m’a amené au ciel puisque je suis encore là 3 ans après pour en parler. Par contre, voir et revoir tout ce sang s’échapper de mon corps donnait une image concrète à ma douleur qui elle, était et est encore si abstraite. Cette rupture n’est bien évidemment pas la vraie raison. Il y a autre chose. Tout le monde a vécu des ruptures difficiles n’est ce pas ? Chacun de nous a son lot de malheur. Là où cela devient plus compliqué et abstrait c’est quand justement la douleur est là, toujours, enterrée bien loin et puis soudain elle remonte, elle ressuscite, elle sort de son cercueil qui lui n’est qu’un leur puisqu’elle n’est pas morte cette souffrance. Elle se cache c’est tout. C’est l’histoire de ma vie. Quelque chose ne va pas, quelque chose ne tourne pas rond comme on dit...
J’ai été suivie par plusieurs psychiatres depuis l’âge de treize ans, ne vous inquiétez pas ! J’ai longtemps raconté mon histoire et ces médecins m’ont très vite prescrit des antidépresseurs, des anxiolytiques, des somnifères etc... Aujourd’hui, je ne leur dis pas bravo. Non, ils ne m’ont pas aidé en anesthésiant mon cerveau afin de me permettre d’avancer comme tout le monde. Bien sûr, ces médicaments m’ont peut être sauvée du geste fatal mais au moment où j’écris je suis désormais dépendante : J’ai vingt trois ans.
Aujourd’hui, je suis seule.
Qui veut la suite ?