Parcours dʼune bipolaire
31/12/2007
Témoignages > Bipolarité
Comme vous me lʼavez demandé, jʼai essayé de dresser un bref résumé de mon parcours.
Un premier épisode à 14 ans
La première période que jʼai identifiée comme anormale a eu lieu à 14 ans et il sʼagissait dʼune période très pénible et chaotique pour moi. Jʼétais une écorchée vive, je me querellais avec beaucoup de gens, alors que cela ne me ressemble pas, je faisais des "mini-fugues" (pour quelques heures) et je pleurais beaucoup aussi, je me sentais très mal.
Cela correspond, dans mes souvenirs, au retour de mon père à la maison avec qui jʼai commencé à avoir des rapports conflictuels très violents, qui mʼont beaucoup perturbée. jʼai été excessive pour tout ; par exemple, jʼappelais mes grands-parents plus souvent (tous les jours au lieu dʼune ou deux fois par semaine) et plus longtemps, et je peux dépenser en un mois presque la totalité de mes économies en vêtements.
Une dépression à 17 ans
La deuxième période, très clairement identifiée, était une dépression à lʼâge de 17 ans, qui a duré quatre à cinq mois. Elle sʼexpliquait beaucoup par les circonstances.
Cette phase était extrême. Jʼavais déménagé à 1000 kms de ma famille, je vivais seule dans un petit studio, je ne connaissais personne, je suivais une prépa où cela se passait mal (cʼétait du "bachotage", jʼy suis réfractaire, et je nʼétais pas acceptée par les autres élèves).
Très vite, jʼai commencé à manquer les cours, jʼétais trop angoissée pour y aller, je passais mon temps à dormir, mon image de moi a dégringolé, jʼai grossi de 10 à 15 kilos. Après je ne quittais plus mon lit, je sortais au maximum cinq minutes, juste avant la fermeture des magasins pour acheter des cigarettes et des plats tout faits, je me détestais et jʼétais terrifiée à lʼidée de parler ou même croiser quelquʼun. Et pendant ce temps, je me sentais obligée de jouer la comédie au téléphone à toute ma famille, qui ne remarquait rien et que je ne voulais pas décevoir, ce qui alimentait mon sentiment de honte et de culpabilité.
Je suis revenue passer chez mes parents les vacances (de février) et je leur ai annoncé que je ne comptais pas repartir. Leur réaction à tous les deux a été extrêmement négative, ils nʼont même pas cherché à savoir pourquoi je laissais tomber. Je suis partie aussitôt en hypomanie, dont jʼai profité à fond (je me rappelle que jʼavais lʼimpression à ce moment-là que la période précédente nʼétait quʼun mauvais rêve, que jʼétais redevenue moi-même). Je suis beaucoup sortie, quasiment toutes les nuits, jʼai recommencé à faire des projets, et je me suis engagée dans une relation avec quelquʼun avec qui jʼai vécu les trois années suivantes.
Première consultation chez un psychiatre
Dès que je me suis calmée, jʼai été pour la première fois consulter un psychiatre. Jʼétais redevenue moi-même, mais je voulais comprendre ce qui sʼétait passé pour éviter que ça recommence un jour, et peut-être aussi en parler, puisque je nʼavais pu le faire avec personne.
Celui-ci a rattaché toute cette période au fait que jʼétais "surdouée". Cʼest effectivement le cas (jʼai eu mon bac mention B à 16 ans, et les tests quʼil mʼa fait passer ont eu des résultats élevés), mais cette explication ne mʼa pas vraiment convaincue et jʼai vite cessé de le voir.
19 ans : nouvelle dépression
Jʼai fait une autre dépression à 19 ans, que de nouveau les circonstances expliquaient (je le précise car, pendant longtemps, je nʼai pas pensé à tout cela comme une maladie, du fait justement quʼil y avait des raisons à ces rares changements dʼhumeur).
Je me suis retrouvée à la fac, où je mʼennuyais. Ma relation se passait très mal et durant tout cet intervalle libre ce problème avait commencé à sérieusement écorner lʼimage que jʼavais retrouvée de moi-même. Mes parents ne mʼavaient pas pardonné mon échec en prépa, je me sentais à nouveau très seule et dans une voie sans issue. Jʼai de nouveau plongé, avec de grandes difficultés à me lever, à aller en cours, une prise de poids importante, des idées très noires, pendant six mois environ.
Après la dépression, lʼhypomanie
Puis je suis repassée en hypomanie.
Celle-ci est la période que je ne regrette pas du tout dʼavoir eu. Jʼai repris des activités (le théâtre notamment), jʼai maigri, je me suis mis à porter des lentilles.
Ca a commencé doucement.
Puis jʼai décidé brusquement, car mon estime de moi avait grimpé, de rompre cette relation, je suis retournée chez mes parents pour finir lʼannée universitaire (jʼai décroché ma licence dʼhistoire avec mention). Et je me suis fixé de nouveaux objectifs, jʼai décidé de déménager de nouveau pour pratiquer uniquement le théâtre (cela était un projet depuis longtemps mais que jʼavais toujours reporté).
Les mois qui ont suivi étaient normaux, jʼétais un peu effrayée par tous ces changements, jʼavais peur que lʼhistoire se répète, mais jʼétais aussi fière de moi et jʼappréciais cette nouvelle vie.
Dʼune certaine manière, cette accélération catastrophique des périodes mʼa aidée (je suis optimiste donc jʼessaie de toujours voir le côté positif). Déjà parce que clairement cette fois, je ne pouvais plus trouver dʼexplications à ces changements par les circonstances, et donc que la psychanalyse à lʼinfini devenait inutile.
Et aussi parce que du coup la situation devenait tellement handicapante que je nʼavais plus le choix, je ne pouvais plus, même momentanément, faire abstraction du problème, je devais trouver une solution ou laisser tomber
Commentaire CTAH
Le trouble BP-II est caractérisé par des hypomanies et surtout des dépressions ; celles-ci sont précoces (avant 18 ans) et récurrentes. Au début du trouble, les épisodes semblent de nature réactionnels (liés à des événements) ; mais lʼévolution montre à lʼévidence lʼaspect disproportionné des épisodes par rapport à lʼenvironnement ou aux événements stressants ou tout simplement lʼaspect autonome (épisode qui se déclenche par rien!).
Notez par ailleurs les troubles alimentaires liés à la bipolarité : hyperphagie et prise de poids en phase dépressive et lʼinverse en phase hypomaniaque.