Intolérance à Lamotrigine
31/12/2008
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Dans mon expérience avec ce produit depuis 1999 chez plus de 500 patients bipolaires, révèle quelques constats :
- Rareté des patients BP-II ou cyclothymiques stabilisés avec lamotrigine en monothérapie
- Des résultats satisfaisants avec la combinaison Lithium + Lamotrigine
- Fréquence non négligeable des allergies cutanées bénignes malgré une instauration lente et progressive des doses
- Survenue des effets psychiques adverses pernicieux comme excitation psychique sévère, agitation anxieuse, crises de panique, confusion mentale, dyskinésies, flashs obsessionnels,
Récemment, une de mes patientes présentant une dépression avec cyclothymie a été traitée avec une petite dose de lithium (200 mg) associée à lamotrigine (25 mg 1 cp un jour sur deux pendant 2 semaines puis 25 mg tous les matins). Progressivement, après une phase initiale positive (plus de concentration, moins de fatigue psychique et physique), s’installent progressivement un état bizarre qui culmine par des pulsions suicidaires obsédantes.
Je lui ai demandé de me relater en détail les symptômes ressentis pendant cette phase :
’Voilà la liste des effets indésirables que j’ai notés lors de mon traitement à base de Lamictal.
Il a noté que ces effets secondaires sont apparus progressivement, notamment à partir de la prise de 1 comprimé par jour.
Voici donc la liste des points négatifs :
- Forte augmentation de l’angoisse : 2 attaques de panique (je n’en avais pas fait depuis 4 ans 1/2) + forte hausse de l’anxiété au quotidien
- Forte augmentation de l’irritabilité / agressivité / méchanceté (notamment vis-à-vis de mon conjoint)
- Hausse de la fréquence des sauts d’humeur
- Dérèglement du sommeil : insomnies / levers tardifs
- Absence totale de moments de "bien-être" / joie / entrain
- Volonté de ma part de faire chambre â part en raison de mon irritabilité, mes angoisses et insomnies (malgré 1 Temesta + 3/4 de Lexomil) car ne je ne supporte pas la présence de mon conjoint à mes côtés
- Dérèglement alimentaire : pas envie de cuisiner --> boulimie de tout et n’importe quoi, ou à l’inverse substituts de repas
- Envie de rien, désespoir profond --> me sens HANDICAPEE
- Sentiment de n’avoir plus de force pour me battre, fatiguée par mon mal-être que je subis depuis 15 ans
- Nausées / mal de dos / fatigue
- Souhaiterais ne plus exister --> DISPARAITRE serait la solution
- ’acte suicidaire semble facile, accessible, presque ’doux’- Me sens seule face â mon handicap
- Désintérêt vis-à-vis de mon apparence physique
- Désintérêt pour ma vie en général (’vie de merde’)
- INCAPACITE à travailler alors que ce serait nécessaire : impossibilité de franchir le pas --> me sens tétanisée, étouffée. Je ne vaux rien.
Pour information, j’ai tout de même constaté quelques éléments positifs :
- Légère hausse de l’énergie
- Légère augmentation de la concentration (lecture par exemple)
La constatation de cet état a conduit à un arrêt de lamotrigine qui sera remplacé par le valproate (250 mg) - ce qui a fait disparaître cette phase pénible et "dangereuse" (selon la patiente) en quelques jours
En faisant une revue de la littérature récente, je retiens
’Psychiatric symptoms related to the use of lamotrigine: a review of the literature’,
publié dans Funct Neurol. 2008 Jul/Sep;23(3):133-136.
Lamotrigine est en général bien toléré; toutefois des problèmes psychiatriques ont été signalés chez les patients bipolaires traités par ce produit :
virages thymiques, épisodes psychotiques aigus, hallucinations.
’Lamotrigine-induced obsessional symptoms in a patient with bipolar II disorder: a case report.’publié dans J Psychopharmacol. 2008 Nov 21.
Les auteurs rapportent un cas de survenue de TOC dans les suites d’un traitement avec lamotrigine. Les phénomènes OC sont apparus une fois la dose de 100 mg de lamotrigine est atteinte, et réduits pour disparaître avec ’arrêt du traitement. Ils tentent d’expliquer ce phénomène par un effet inhibiteur de lamotrigine sur la libération présynaptique du glutamate et une altération de la recapture de la dopamine dans le striatum.
’An association of intrusive, repetitive phrases with lamotrigine treatment in bipolar II disorder.’publié dans CNS Spectr. 2007 Feb;12(2):106-11.
Cinq patients présentant un trouble BP-II ont rapporté spontanément une forme de TOC avec des phrases récurrentes intrusives, suite à un traitement avec lamotrigine. Ces phénomènes sont réduits avec la baisse des doses ou ’arrêt du traitement et rechutent avec la reprise ou ’escalade des doses. ’effet de lamotrigine sur la régulation du système glutamatergique/ Pour rappel, la fréquence du TOC dans le trouble BP-II est assez élevée.
Pour vulgariser un peu les effets neurochimiques de lamotrigine, on peut dire que dans certains cas ce médicament est capable d’activer le système dopaminergique - ce qui explique ’agitation, le virage hypomaniaque, la formation d’état mixte, les épisodes psychotiques, les pulsions suicidaires... Ces symptômes sont classiquement expliqués par une hyperactivité dopaminergique (classique dans l’état maniaque).
Globalement Lamotrigine est un traitement bien toléré; toutefois, une attention particulière doit être faite sur la possibilité de survenue d’effets psychiques adverses, dont l’excitation psychique et ’émergence de pensées obsessionnelles.
