Manie, acide urique et goutte : quels rapports ?
9/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
L’étude a inclus 180 patients hospitalisés répondant au diagnostic de manie selon le DSM-IV-TR (les cycles rapides ou épisodes mixtes n’étaient pas inclus). Aucun antipsychotique n’ait été prescrit. Les patients ont reçu comme traitement, des doses fixes d’Allopurinol 600 mg/jour (n=60), du dipyridamole 200 mg/jour (n=60), ou placebo (n=60), en combinaison avec du lithium sur une période de 4 semaines. les changements des scores sur l’échelle de manie de Young (YMRS) étaient considérés comme le critère principal de jugement d’efficacité.
Le groupe avec Allopurinol a montré la meilleure réduction des scores sur la YMRS entre le début de l’étude et après 3 et 4 semaines. Un autre résultat intéressant : dans le groupe Allopurinol, la baisse du taux plasmatique de l’acide urique était corrélée avec la réduction des symptômes maniaques.
Le groupe dipyridamole n’a pas montré de différences par rapport au groupe placebo (est-ce en raison de l’absence de passage de la barrière hémato-cérébrale ?)
Cette étude réveille une ancienne théorie déjà émise par Kraepelin qui a été le premier à décrire une association entre les symptômes maniaques, l’excrétion de l’acide urique et la goutte. Cade a suggéré un rôle du métabolisme des urates dans la manie et a utilisé le lithium pour augmenter la solubilité de l’acide urique avant la découverte de son efficacité anti-maniaque. Ultérieurement, on a observé que la rémission des épisodes maniaques coïncidait avec une augmentation de l’élimination de l’acide urique. Donc, un lien physio-pathologique du métabolisme des purines dans la manie a été proposé avec à l’appui des données génétiques.
L’acide urique est le produit final du métabolisme des purines. Les purines sont essentielles dans le métabolisme énergétique (rôle intracellulaire avec l’ATP et extra-cellulaire avec l’adénosine et l’ATP ; comme régulateurs des neurotransmetteurs). Par exemple, la caféine agit comme un stimulant en bloquant les récepteurs de l’adénosine (donc recommandation de réduire sa consommation chez les patients bipolaires). En revanche, des agonistes de l’adénosine peuvent exercer un rôle sédatif, anticonvulsivant, anti-agressif et anti-psychotique (cela a été suggéré dans des études pharmacologiques chez l’animal).
L’Allopurinol et son métabolite actif, l’oxypurinol, sont des inhibiteurs de la xanthine oxydase et donc indiqué dans le traitement de plusieurs troubles* en réduisant la production de l’acide urique.
Le Dipyridamole est un inhibiteur puissant de la capture cellulaire de nucléoside et donc capable d’augmenter les concentrations extra-cellulaires de l’adénosine endogène et exogène.
*L’Allopurinol (Zyloric) est indiqué dans :
- traitement des hyperuricémies symptomatiques primitives ou secondaires (hémopathies, néphropathies, hyperuricémie iatrogène),
- traitement de la goutte : goutte tophacée, crise de goutte récidivante, arthropathie uratique même lorsqu’elle s’accompagne d’hyperuraturie, de lithiase urique ou d’insuffisance rénale,
- traitement des hyperuricuries et hyperuraturies,
- traitement et prévention de la lithiase urique,
- prévention des récidives de lithiase calcique chez les patients hyperuricémiques ou hyperuricuriques, en complément des précautions diététiques habituelles, portant notamment sur les rations protidique et calcique.
Référence
"A double-blind, Randomized, Placebo-Controlled 4-Week Study on the Efficacy and Safety of the Purinergic Agents Allopurinol and Dipyridamole Adjunctive to Lithium in Acute Bipolar Mania"
Publié dans J Clin Psychiatry. 2008 August ; 69(8): 1237/1245.
