Dépression cyclothymique: j’ai tant de haine
31/12/2007
Témoignages > Cyclothymie
Je vais lâcher. Je suis sûre que je vais lâcher. Je vous déteste tous et vous me le rendez si bien. C’est d’ailleurs parce que vous ne savez pas m’aimer que je vous déteste.
Je suis en période basse mais celle-ci s’éternise à tel point que je n’ai pas envie d’en sortir. Je voudrais qu’on me laisse me coucher et dormir. Je voudrais être seule, ne plus avoir à m’occuper de quoi que ce soit, ne plus avoir à penser, ne plus avoir à affronter le manque d’amour. Qu’est-ce qui s’est passé quand je suis née ? Y’a eu un problème avec la lune, le soleil, les étoiles ? Tout ça pas en phase ? Tout ça pas dans la bonne constellation ou je sais pas quoi ? Comment est-ce possible que je ne me sois jamais sentie aimée ? Je souffre tant de ça. Je n’arrive pas à savoir si c’est moi qui aime mal, si c’est moi qui attends trop des autres, si c’est moi qui ne suis pas capable de reconnaître l’amour, ou si je n’ai vraiment pas eu de chance, si je suis destinée à être un punching-ball. Parfois, je réfléchis aux crasses qu’on me fait ; j’essaie de relativiser mais quand même…. Ce qui me fait du mal aussi c’est l’indifférence. J’ai l’impression d’être transparente.
Comment font les cyclo qui n’ont pas d’enfants pour tenir le coup ? Parce que, moi, si je n’avais pas ma fille, je me foutrais en l’air sous un train. Tous les jours, j’y pense et à chaque fois, j’imagine sa douleur le jour de mon enterrement alors je tiens, pour elle mais je n’ai pas envie de tenir pour moi. Plus de jus, plus de motivation. J’adore regarder les gens dans la rue. Quand j’en vois certains qui semblent heureux, détendus, ça m’impressionne et ça m’étonne carrément : comment peut-on être heureux de vivre ? Parce que, moi, franchement, je n’en vois pas l’intérêt. On va tous finir au même endroit de toute façon…grains de poussière. Très souvent, je pense à ma mort. Je veux être incinérée avec plein de jonquilles. Je ne veux personne autour de moi, uniquement Laurent, Valentine et mas parents. Les autres…qu’ils restent chez eux. Ils n’en avaient rien à faire de moi quand j’étais vivante alors pas la peine de venir jouer les hypocrites ensuite.
Je porte tant de haine en moi, pour tous ces coups bas, ces mots qui m’ont manqué, ces gestes que je n’ai pas reçus, ces mensonges, ces trahisons du cœur. Je sais que ce n’est pas bon. Je sais bien que je ne peux pas avancer avec cette haine, que je vais devenir méchante et aigrie à force de porter ces valises de douleurs mais ma colère déborde. Je deviens parano, j’en veux à la terre entière. Je voudrais l’autorisation de me retirer du monde. J’aimerais être atteinte d’une maladie grave pour qu’on me laisse partir ou au moins qu’on n’attende plus rien de moi. Laissez-moi dans mon lit sous ma couette. Ne me parlez pas, ne me secouez pas. Vengez-moi de toutes ces blessures que je n’arrive plus à cicatriser. Je regarde Valentine. Elle sent, comme tous les enfants, que sa maman a un problème. Elle est gentille, sage ; elle s’inquiète pour moi. J’aimerais tant lui offrir autre chose. J’essaie, j’essaie. Elle est la seule dont je ne doute pas de l’amour et pourtant c’est son amour qui m’emprisonne dans cette vie dont je ne veux pas.
Est-ce qu’il faudra que je meure pour que vous réalisiez enfin que j’étais un être vivant ?