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Bipolarité juvénile, une forme distincte FOH

25/08/2013
Auteur : Dr Hantouche

Cas cliniques > Traitement / prise en charge

Signalons la spécificité de la dimension FOH ou peur de nuire, une dimension mixte en même temps impulsive et compulsive, donc mixte et obligatoirement de nature bipolaire.
En 2005, Papolos, expert de la bipolarité juvénile, a exploré au sein dʼun groupe de jeunes patients présentant un trouble bipolaire, un sous-groupe avec des scores élevés sur lʼobsession de faire du mal (à soi-même ou aux autres). Cette dimension est issue de la check-list de bipolarité juvénile (CBQ) et comporte 6 items
  • A détruit intentionnellement des biens personnels
  • Injurie brutalement, utilise des gros mots dans la colère
  • Profère des menaces modérées envers les autres ou soi-même
  • Profère des menaces marquées de violence envers les autres ou soi-même
  • A clairement énoncé des menaces suicidaires
  • Est fasciné par lʼépouvante, le sang, les images violentes

  • Lʼétude a exploré les scores sur les échelles YBOCS (connue pour mesurer les TOC) et OAS (évaluant lʼagressivité manifeste). Ainsi le groupe de jeunes bipolaires a été divisé scindé en deux sous-groupes selon la médiane obtenue sur lʼobsession de faire du mal (FOH). Dans le groupe avec niveau élevé FOH, le risque relatif de conduites agressives envers soi est de 2.68 (IC = 1.87-3.86) et envers autrui de 7.97 (IC = 4.19-15.2), Ce qui signifie que le risque de passage à lʼacte est multiplié par deux (auto-agressivité) et environ par 8 pour lʼhétéro-agressivité. Ce groupe est également marqué par une augmentation du risque suicidaire (risque relatif de 2,42). Ces données suggèrent que cette dimension de nuisance serait discriminante dʼun sous-groupe de bipolarité juvénile qui mérite dʼêtre explorée davantage : Est-ce une forme génétique distincte ? Quel est le meilleur traitement pour cette forme clinique de bipolarité juvénile ?

    Deux ans plus tard, le même auteur publie une étude sur la concordance entre les proposants (cas présentant une BPJ) et leurs proches, dans laquelle il montre que la dimension « obsessions de nuisance » est le phénotype comportemental ayant le score le plus robuste de concordance. Cette stratégie avait pour objectif dʼidentifier des phénotypes distincts au sein de la BPJ et de valider lʼhypothèse selon laquelle le phénotype avec score élevé de « FOH » serait caractérisé par plus de sévérité et une évolution plus complexe, comme en témoigne les résultats suivants :
  • Début plus précoce des symptômes psychiatriques,
  • Début plus précoce de la première hospitalisation
  • Fréquence plus élevée des admissions psychiatriques
  • Degré plus important de lʼimpact sur le fonctionnement et lʼadaptation sociale comme déterminé par lʼexposition au système de justice juvénile et les problèmes de performance scolaire.

  • Lʼétude a porté sur un large échantillon dʼenfants à risque de bipolarité (présence dans leurs familles de cas de bipolarité). Cet échantillon est constitué de 5335 jeunes ayant obtenu un score de 40 ou plus sur la CBQ (check-list de bipolarité juvénile). Il a été réparti en deux groupes : un groupe exploratoire aidant à développer lʼhypothèse de lʼétude (2668) et un groupe pour tester lʼhypothèse (2666). Les résultats sont issus du deuxième groupe avec la classification en fonction des scores sur le facteur FOH : « élevé », « bas » et « absence de ce facteur ». Ainsi le groupe avec « FOH élevé » se démarque par :
  • plus dʼindices de sévérité sur la manie et la dépression et autres indices de sévérité
  • des scores plus élevés sur cinq facteurs sur la CBQ : « Sommeil / Vigilance », « Agressivité territoriale », « Anxiété », « Estime de soi » et « PPSO » (ce facteur incluant « Psychose / Parasomnies / Désir de sucre / Obsessions ».
  • La nature des symptômes spécifiques inclus dans ce phénotype permet de proposer un modèle biologique qui implique un circuit complexe qui fait les liens entre les zones hypothalamique, limbique, et autres noyaux du cerveau, qui sont responsables de la régulation du comportement

    En 2013, la même équipe continue sa recherche sur ce phénotype caractérisé par sa sévérité clinique et surtout la difficulté à le traiter. Ainsi les auteurs ont tenté dʼexplorer les bénéfices de la Kétamine, administrée en intra nasal, chez 12 jeunes BP avec une notion assez nette de résistance aux APA, régulateurs et anxiolytiques.
    La Kétamine était capable de réduire de manière rapide et soutenue les scores de manie, de nuisance (FOH) et agressivité, avec une amélioration significative observée sur lʼhumeur, lʼanxiété, les symptômes comportementaux, lʼattention, les fonctions exécutives, le sommeil. Ce traitement a été bien toléré.

    Ces études ont le mérite de signaler la spécificité de la dimension FOH ou peur de nuire, une dimension mixte en même temps impulsive et compulsive, donc mixte et obligatoirement de nature bipolaire. La réponse à la Kétamine signifie que la dimension FOH est intimement liée à des phénomènes dʼexcitation psychique qui est à lʼorigine des impulsions. La dimension FOH mérite dʼêtre recherchée chez les jeunes présentant des troubles bipolaires ou des troubles apparentés (indices bipolarité peu visibles).

    Références


  • Papolos D, Hennen J, Cockerham M. Obsessive fears about harm to self or others and overt aggressive behaviors in youth diagnosed with juvenile-onset bipolar disorder. J Affect Disord. 2005 ; 89(1-3):99-105.
  • Papolos D, Hennen J, Cockerham MS, Lachman H. A strategy for identifying phenotypic subtypes: concordance of symptom dimensions between sibling pairs who met screening criteria for a genetic linkage study of childhood-onset bipolar disorder using the Child Bipolar Questionnaire. J Affect Disord. 2007 ; 99, 27-36.
  • Papolos D, Mattis S, Golshan S, Molay F. Fear of harm, a possible phenotype of pediatric bipolar disorder: a dimensional approach to diagnosis for genotyping psychiatric syndromes. J Affect Disord. 2009 ;118(1-3):28-38.
  • Papolos DF, Teicher MH, Faedda GL, Murphy P, Mattis S. Clinical experience using intranasal ketamine in the treatment of pediatric bipolar disorder/fear of harm phenotype. J Affect Disord. 2013 ;147(1-3):431-6.


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