Association CTAH-Recherche

Le dossier du moisMars 2015

Je suis perfectionniste : le marche ou crève de la perfection

Vaincre son passé et ses cognitions pour vaincre le perfectionnisme

L'edito

par Dr Hantouche

Je suis perfectionniste : le marche ou crève de la perfection

Quand on parle de « perfectionnisme », on a lʼimpression que tout le monde reconnaît ce que ça signifie, notamment dans sa définition à connotation négative et dommageable. Les modèles actuels proposent une vision multidimensionnelle du perfectionnisme avec des composantes « positives » (conscience, ambition, organisation, réussite, planification…) et « négatives » (exigence de soi, faible estime de soi, absence dʼauto-empathie, pression parentale, obsession de lʼerreur…).

Le perfectionnisme est le thème du dossier de Mars 2015 ; en effet, plus de la moitié des patients soignés au CTAH, quʼils soient anxieux obsessionnels ou bipolaires cyclothymiques, présente des traits excessifs de perfectionnisme. Est-ce un scénario de défense contre le « chaos » de la cyclothymie ? ou une dimension pathologique en soi, source de détresse constante et surtout un obstacle majeur aux psychothérapies et au changement de la gestion émotionnelle.

La tribune

par M Trybou

Le perfectionnisme : théorie et exercices de thérapie

Le ressenti des perfectionnistes


Le perfectionnisme nʼest pas une conscience morale visant à travailler correctement, faire ce quʼil faut avec un petit quelque chose en plus. Ce nʼest pas le plaisir des choses bien faites. Ce nʼest pas le créatif passionné et souriant qui peint toute la nuit. Le perfectionnisme nʼest pas du beau travail.

Le perfectionnisme cʼest lʼincapacité totale à fixer des limites réalistes et sensées à notre travail de peur de se sentir mal. Le perfectionniste travaille dʼarrache pied, afin de confirmer sa valeur, de se prouver quʼil vaut quelque chose selon ce que les autres diront du résultat final dʼun travail, avec la peur permanente dʼêtre désavoué, dʼêtre pris en flagrant délit dʼéchec, si les choses ne sont pas faites à la perfection. Dʼoù une absence totale de limites dans la performance. Quʼelle soit professionnelle, sportive, ou autres.

Le perfectionniste ne sait pas travailler normalement, car travailler normalement veut dire mauvais travail. Et mauvais travail veut dire échec. Lʼéchec serait cuisant : mon patron va me critiquer, je vais mʼeffondrer. Mon patron ne fera que me dire la vérité : je suis un raté, un bon à rien. Je lʼai toujours su au fond de moi. Le perfectionniste est donc une tentative désespérée de ne jamais se retrouver nez à nez avec cette horrible estime de soi. Vivre normalement cʼest échouer et tomber en dépression. Se crever à la tache, cʼest œuvrer pour ne jamais se sentir mal ... même si cette technique revient à sʼuser.

Devenir perfectionniste : un apprentissage parental


Tous les perfectionnistes ont généralement eu la même enfance :
  • soit les parents avaient des attentes importantes, et ces enfants ont tout fait pour faire plaisir et ne pas décevoir, pour gommer tous les points négatifs et être un enfant modèle, lisse.

  • Lʼenfant ne comprend pas que ses parents sont pathologiquement inquiets

  • soit les parents ont trop couvé lʼenfant, faisant à sa place de peur quʼil ne réussisse pas.

  • soit ces enfants se sentent différents (pauvreté, handicap, culture différente, etc.) et ils veulent compenser à tout prix par le scolaire et le professionnel, pour détourner lʼattention de ce qui fait leur différence (sous entendu leur « tare »).


  • Monica Ramirez confirme cette idée : « En général, les enfants se voient comme leurs parents les voient ». (page 252)

    Sortir du perfectionnisme


    Il y a plusieurs éléments importants pour devenir moins perfectionnisme. Chaque point est important et aucun ne peut suffire sʼil nʼest pas travaillé avec les autres. Changer prend du temps, aussi faut il être patient et se donner le temps de faire chaque technique, lʼune après lʼautre, plutôt que vouloir guérir en 2 jours comme si ce nʼétait pas une vraie pathologie.

    1° diminuer les horaires afin de ne pas faire 13 mois en 12 mois, ne plus faire 50 heures par semaine.
    2° réintégrer une part de loisirs, et tolérer la culpabilité que cela va engendrer, car le travail nʼest pas une fin en soi.
    3° bien comprendre que les modèles que nous apprécions sont imparfaits et ont démultiplié les échecs avant dʼen arriver là où ils sont.
    4° sʼaffirmer et apprendre à dire non : pour avoir moins de travail, de meilleurs délais, faire respecter les différentes facettes de notre personnalité et apprendre à gérer la culpabilité
    5° écrémer les activités dans lesquelles la personne est perfectionniste
    6° placer la barre moins haut sans tomber dans « le tout ou rien »
    7° fragmenter les taches, faire une trame, fixer une limite de durée, ...
    8° demander de lʼaide, déléguer, même si cela provoque de la culpabilité
    9° la technique du « motivant démotivant »
    10° fêter les réussites,
    11° libérer lʼenfant imparfait qui a été malmené par les parents trop exigeants,

    Sortir du perfectionnisme, cʼest tout cela à la fois, avec une bonne dose de tendresse pour nos imperfections, afin de faire sortir de nos têtes ces modèles extra terrestres, inhumains, qui ont bien pris soin de ne jamais dire que le cerveau a besoin de répétitions et dʼerreurs pour avancer, et quʼil nʼavance quʼà cette condition et uniquement à cette condition. On aura beau retourner le problème dans tous les sens, ils sont quand même étranges ces parents qui ne nous ont pas dit ce quʼétait la normalité du cerveau. A croire quʼils ont réglé leurs problèmes personnels sur leurs enfants. Peut être parce quʼils voulaient nous motiver pour notre bien. Peut être parce quʼils ont été eux mêmes éduqués comme cela... A la limite, ce nʼest pas très important, cʼest du passé. La seule chose qui compte, cʼest quʼil faut arrêter dʼempêcher le cerveau de faire son boulot et revenir à la biologie normale : un cerveau, pour apprendre, a besoin dʼintégrer une information répétée 25 fois. Essayez 25 fois, vous verrez que cʼest très agaçant mais ça marche infiniment mieux que 2 ou 3 essais.
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