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Les Phobies Scolaires : cas cliniques et explications

7/09/2011
Auteur : M Trybou

Cas cliniques > Etude de cas

Lorsquʼune phobie se transforme en phobie scolaire : étude de cas cliniques.
septembre 2011
De nombreux parents viennent dans notre cabinet avec un souci de « phobie scolaire ». Leur enfant n’arrive plus aller en cours, il est très anxieux le matin en sortant du lit, à mesure qu’il s’approche de la voiture qui va l’emmener en cours. Parfois, c’est même la veille que l’enfant panique, appréhendant d’aller à l’école le lendemain. Un coup, il va se sentir motivé et certifier à ses parents qu’il fera des efforts. Et quelques heures après, il est pris par l’anxiété, pleure, et ne se sent plus capable d’aller en cours. Les parents sont à la fois inquiets (l’enfant est mal, il rate des cours, son années scolaire est menacée) et suspicieux (l’enfant n’a aucune anxiété quand il s’agit d’aller voir des amis, aller au cinéma ou faire des courses) comme s’il se moquait d’eux pour ne pas aller à l’école.

Prenons quelques cas cliniques :

De la peur de la contamination à la phobie scolaire


Jean a 11 ans. Il a une peur absurde mais très handicapante que les autres enfants se touchent la bouche et mettent de la bave sur ses vêtements. Il redoute tellement de devoir prendre des douches à répétition et laver ses affaires ou contaminer sa chambre, qu’il est paniqué à la simple idée d’aller en cours le matin. Il reste plusieurs mois déscolarisé, faisant des crises d’angoisse le soir à la simple perspective de monter dans la voiture le lendemain. En même temps, il dit que ses copains lui manquent et que ne pas aller à l’école est la preuve qu’il est un enfant anormal.


De la confiance en soi à la phobie scolaire


Aurélie a 13 ans. Suite à une dispute avec une copine, elle développe des crises d’angoisse le matin avant d’aller en cours. Elle n’arrive même pas à essayer d’y aller une demi journée. Ses parents sont inquiets. Aurélie a du mal à expliquer ce qui lui fait peur, mais elle a l’intuition qu’elle a peur de constater que son amie lui tourne définitivement le dos, et être abandonnée. « C’est comme si je préférais ne pas savoir que le voir pour de vrai ». Une fois les choses mises au clair avec son amie, Aurélie arrive à retourner en cours. Pendant plusieurs mois, elle n’a aucune anxiété. Suite à un contrôle où elle a une mauvaise note, elle a à nouveau des crises d’angoisse : « J’ai peur de retourner en cours et avoir d’autres mauvaises notes. Et pourtant je sais très bien que ce n’est pas en restant à la maison que je vais en avoir de meilleures ».


De la peur dʼêtre disputé à la phobie scolaire


Cédric a 15 ans, il a des soucis pour se concentrer. Il est tout le temps dans la lune. Au moins une à deux fois par jour, il se fait disputer par un enseignant car il a oublié de faire un exercice, il rêvasse, il n’écoute pas. Il dit à sa mère qu’il ne veut plus aller en cours car c’est devenu un calvaire, « tous les profs sont sur mon dos alors que je fais des efforts ». Il panique à la simple idée d’être pris une énième fois en flagrant délit de rêvasser.


De la moquerie à la phobie scolaire


Maxime, 13 ans, n’arrive plus à aller en cours : des garçons de la classe l’ont pris en grippe et se moquent à longueur de journée de ses cheveux. « On me dit constamment que je suis un mouton, ah tiens voilà le mouton, hey le mouton on va te raser pour faire un pull. Et quand j’explose, c’est moi qui me fais engueuler par les profs ». Maxime a des crises d’angoisse le matin avant même d’arriver au collège.


De la peur de vomir à la phobie scolaire


Sylvain, 18 ans, est en classe de terminale. Il a subitement développé la peur de se faire pipi dessus ou de vomir en cours, et qu’il ne puisse pas avoir le temps de sortir de la salle. Quand il prend le train le matin, il a l’impression qu’il n’arrivera même pas au but. Sa mère l’emmène en voiture, ce qui le relaxe, mais dés qu’il entre dans le lycée, l’anxiété lui fait se demander s’il n’a pas des nausées, « avoir une anxiété tellement forte que je me dis que je vais forcément vomir ».


La phobie scolaire est un masque pour un autre trouble


Sous ces termes de « phobie scolaire » peuvent se cacher des pathologies différentes. Faisons un tour d’horizon ce que peuvent être ces différentes formes de phobie scolaire. Le plus souvent, c’est la peur que décrit l’enfant qui va nous aiguiller.


  • la peur de ne pouvoir s’enfuir de la salle, d’être bloqué toute la journée, et qu’une fois que l’on est dans l’établissement on est obligé de rester, paniqué, jusqu’au soir : nous sommes ici dans les attaques de panique. L’enfant a peur de ne pouvoir s’extraire de la salle si une catastrophe survient (peur de vomir, se faire pipi au caca dessus, ou paniquer, manquer d’air, être mal) et il a tendance à considérer son anxiété comme une preuve que cela survient. Souvent, les enfants décrivent la peur que l’enseignant ne les laissent pas sortir pour retrouver leurs esprits. Parfois, l’anxiété n’a même pas de scénario : l’enfant a fait une première attaque de panique, son cerveau a enregistré le lieu « école » et devient réactif à chaque évocation de ce lieu. Ce qui est intéressant, c’est de constater que quand on donne le droit à l’enfant de sortir (attestation que le médecin fait pour les parents qui transmettent aux enseignants pour donner le droit à l’enfant de sortir s’il en ressent le besoin), l’anxiété retombe très vite et l’enfant peut faire des journées de plus en plus tranquilles. On peut alors proposer à l’enfant de recommencer à faire des matinées, puis des journées entières s’il le souhaite. Pour les enfants les plus anxieux, accepter de se promener dans l’enceinte de l’établissement sans assister aux cours peut être une bonne alternative au début.
  • la peur de se faire pipi ou caca dessus, de vomir « devant tout le monde, avec le ridicule que cela va provoquer », la peur d’être embêté par les autres enfants à cause d’un vêtement, d’une coiffure, … : nous sommes plutôt ici dans les mécanismes de la phobie sociale et de l’affirmation de soi, car ce qui est le plus important aux yeux de l’enfant ce n’est pas la catastrophe du vomi, du caca ou du pipi, mais l’humiliation ressentie devant les autres. Il est alors important de reprendre avec l’enfant les techniques d’affirmation de soi (en jeux de rôles) qui vont vite le sécuriser.
  • l’enfant a peur de toucher d’autres enfants et se contaminer, et de propager cette contamination sur ses affaires et à la maison : nous sommes ici dans le cas des TOC de saleté avec rituels de lavage. L’enfant a tellement peur de l’ampleur que peuvent prendre ses rituels qu’il panique avant d’aller en cours, préférant rester cloitré à la maison que devoir subir des lavages incessants.
  • l’enfant décrit une montée d’anxiété sans scénario précis, se sent « incapable, inapte » à résister, à faire face : il est important d’investiguer systématiquement un état dépressif chez l’enfant, car les états dépressifs se manifestent souvent avec des manifestations anxieuses diffuses. Ce qui prime ici, c’est l’impression d’incapacité, de manque de ressources pour faire face.
  • L’enfant a des soucis de concentration, de mémoire, n’arrive pas à travailler et redoute de se faire disputer devant toute la classe par l’enseignant : il est pertinent d’investiguer un déficit de l’attention ou trouble d’hyperactivité qui handicape l’enfant et provoque des brimades par l’équipe enseignante qui n’est pas au fait de ce type de pathologie et aura tendance à considérer l’enfant comme dilettante, dans la lune ou perturbateur.