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Le perfectionnisme : théorie et exercices de thérapie

2/03/2015
Auteur : M Trybou

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie

Le perfectionnisme cʼest lʼincapacité totale à fixer des limites réalistes et sensées à notre travail de peur de se sentir mal.

Exemple de comportement perfectionniste


Céline travaille sans cesse. Elle arrive avant ses collègues, elle ne fait presque aucune pause, mange très vite le midi (et culpabilise si elle va manger avec ses collègues et prend autant de temps quʼeux), et sort tard du travail. Il lui arrive très souvent de rapporter du travail à la maison, pour le soir ou le week-end. Céline lit beaucoup pour son travail : de nombreux dʼouvrages pour cerner le mieux possible ce quʼon lui demande, des livres cités dans des livres. Elle peut facilement avoir 10 références là où les autres en utiliseraient 2 ou 3. Quand elle travaille avec internet, elle ne lit pas 5 ou 6 articles mais 20 ou 30, quʼelle a toutes les peines du monde, après coup, à synthétiser. En effet Céline trouve toute information capitale, elle ne sait pas trier, elle ne sait pas aller à lʼessentiel. Comme elle brasse une masse considérable de données, elle a besoin de 10 heures pour faire un travail de 2 heures. On lui demande 20 pages, elle en rend 50. Elle va dans le détail, soigne tout dans les moindres recoins. Céline ne dirait pas quʼelle aime son travail, quʼelle prend du plaisir dans la performance ou quʼelle ressent de la satisfaction. Elle fonctionne à la culpabilité et uniquement à la culpabilité. Faire comme les autres reviendrait à ressentir de la souffrance, du scrupule. Elle a conscience de son fonctionnement, elle nʼen est pas dupe, mais tenter de faire comme ses collègues lui provoquerait une mauvaise conscience horrible.

Céline a travaillé comme cela pendant des années, jusquʼà son premier burn out : un matin elle a fait une crise de larmes et nʼa pas réussi à franchir le palier de son appartement pour aller travailler. Elle aurait aimé que lʼon sʼinquiète pour elle, mais elle travaille tellement quʼelle a peu de temps pour se faire des amis ou entretenir des amitiés. Donc presque personne nʼa manifesté de lʼinquiétude pour elle. Céline est tellement mal que son médecin la met en arrêt maladie : cʼest un burn out avec une dépression. Son médecin est formel, elle doit se reposer. Céline doit rester chez elle, tellement elle est mal, mais elle culpabilise de tout le travail qui va sʼaccumuler pendant son absence. Quelques jours avant son retour, elle panique car elle sait quʼelle va repartir dans ses vieux démons : trop de travail, trop de détails, trop dʼheures à se crever à la tache.

Céline sait que la prochaine date limite pour tel projet va venir bien trop vite pour elle. Elle travaille plus que tout le monde mais gravir les montagnes comme elle le fait en un temps record ne fonctionne plus. Elle nʼa plus lʼénergie. Elle sait à lʼavance que ses attentes sont irréalistes par rapport au temps imparti. Elle se met donc à procrastiner, à reporter à plus tard. Elle tourne autour de sa table de travail. Elle regarde les livres de loin, se dit quʼelle doit sʼy mettre mais a peur de sʼy mettre, sait quʼelle doit commencer quelque part mais ne sait pas par quel bout, écrit un paragraphe mais est déjà apeurée par les mille autres à écrire. Alors elle ne travaille plus. Elle regarde tout cela depuis son lit, avec la culpabilité de ne rien faire. Elle a pris lʼhabitude dʼéviter tout, de peur de ne plus pouvoir y mettre le point final. Elle fait son deuxième burn out et commence à sʼalcooliser pour se motiver à travailler plus vite. Une autre personne, ayant le même parcours quʼelle dans des blogs internet, tourne à la cocaïne. Un autre monsieur, lui, fume beaucoup et a eu un souci cardiaque.

Le ressenti des perfectionnistes


Le perfectionnisme nʼest pas une conscience morale visant à travailler correctement, faire ce quʼil faut avec un petit quelque chose en plus. Ce nʼest pas le plaisir des choses bien faites. Ce nʼest pas le créatif passionné et souriant qui peint toute la nuit. Le perfectionnisme nʼest pas du beau travail.

Le perfectionnisme cʼest lʼincapacité totale à fixer des limites réalistes et sensées à notre travail de peur de se sentir mal. Le perfectionniste travaille dʼarrache pied, afin de confirmer sa valeur, de se prouver quʼil vaut quelque chose selon ce que les autres diront du résultat final dʼun travail, avec la peur permanente dʼêtre désavoué, dʼêtre pris en flagrant délit dʼéchec, si les choses ne sont pas faites à la perfection. Dʼoù une absence totale de limites dans la performance. Quʼelle soit professionnelle, sportive, ou autres.

Le perfectionniste ne sait pas travailler normalement, car travailler normalement veut dire mauvais travail. Et mauvais travail veut dire échec. Lʼéchec serait cuisant : mon patron va me critiquer, je vais mʼeffondrer. Mon patron ne fera que me dire la vérité : je suis un raté, un bon à rien. Je lʼai toujours su au fond de moi. Le perfectionniste est donc une tentative désespérée de ne jamais se retrouver nez à nez avec cette horrible estime de soi. Vivre normalement cʼest échouer et tomber en dépression. Se crever à la tache, cʼest œuvrer pour ne jamais se sentir mal ... même si cette technique revient à sʼuser.

Tout travail nécessite un certain degré dʼexigence, cʼest un fait surtout dans certains métiers où la moindre erreur serait extrêmement grave. Mais quand on travaille pour plaire aux autres (ou plutôt ne pas leur déplaire), pour se valider, pour compenser une estime de soi mauvaise, toutes les normes deviennent pathologiques. Lʼobsession de la perfection commence à prendre le pas sur la tache elle même et sur la santé de celui qui travaille

Les personnes perfectionnistes décrivent généralement les mêmes choses :
  • trop de temps passé à travailler sur une seule tache
  • objectifs irréalisables car trop élevés en trop peu de temps
  • la méticulosité parasite la productivité
  • beaucoup dʼindécision sur comment agir, comment sʼy prendre, par où commencer, et au final cʼest la procrastination qui sʼinstalle car tout semble trop compliqué, immense ou voué à échouer
  • sens extrême des responsabilités, comme si la personne allait finir SDF à cause dʼune seule ligne qui manque
  • perte de lʼesprit de synthèse, incapacité à abandonner certains détails
  • ma valeur dépend du résultat : si jʼéchoue, cʼest la preuve que je suis nul
  • peur du jugement des autres
  • fonctionnement en tout ou rien : soit je me tue à la tache, soit je ne travaille pas. Soit je mets tout ce qui existe sur le sujet, soit je nʼécris rien
  • culpabilité quand la personne prend quelques moments de loisirs ou de repos
  • aucune sensation de satisfaction une fois la chose finie
  • adepte du « oui mais »
  • un échec = je suis un échec
  • un échec = jʼai toujours échoué et jʼéchouerai toujours
  • les réussites sont des hasards du destin
  • sensation dʼêtre un usurpateur quand la personne réussit quelque chose
  • faible confiance en soi
  • impression de manquer de culture, dʼêtre maladroit, idiot
  • manque de plaisir, déprime chronique, abus dʼalcool ou de drogues pour compenser.
  • risque de burn out à répétition
  • évitement de la culpabilité
  • difficulté à dire non
  • Devenir perfectionniste : un apprentissage parental


    Tous les perfectionnistes ont généralement eu la même enfance :
  • soit les parents avaient des attentes importantes, et ces enfants ont tout fait pour faire plaisir et ne pas décevoir, pour gommer tous les points négatifs et être un enfant modèle, lisse. Dʼoù le manque de développement de la personnalité propre et de la capacité à sʼaffirmer. Dans ce type dʼéducation, le mot dʼordre serait « Je dois réussir pour être aimé, je dois réussir pour quʼon soit fier de moi. La perfection permet de ne pas être rejeté ». Les parents ont bien fait comprendre quʼil nʼy a pas de câlins quand il nʼy a pas de bonnes notes. Lʼenfant nʼexiste que par ses performances, il ne mérite rien et nʼexiste pas en dehors de la performance. Ce sont les exigences parentales et leur style dʼaffection qui sont pathologiques, pas la valeur de lʼenfant, bien sûr, mais lʼenfant vise sa survie affective et nʼa pas ce recul. Brookings JB, Wilson JF ont retrouvé ce fonctionnement chez de nombreux patients dans leur article de 1994. Ce même noyau serait à lʼœuvre chez des femmes souffrant de troubles alimentaires.
  • soit les parents ont trop couvé lʼenfant, faisant à sa place de peur quʼil ne réussisse pas. Lʼenfant ne comprend pas que ses parents sont pathologiquement inquiets, mais plutôt quʼil est incapable de gérer sa vie, incapable de se débrouiller seul, quʼil nʼa pas les aptitudes suffisantes pour gérer sa vie avec les obstacles quʼelle comprend.
  • soit ces enfants se sentent différents (pauvreté, handicap, culture différente, etc.) et ils veulent compenser à tout prix par le scolaire et le professionnel, pour détourner lʼattention de ce qui fait leur différence (sous entendu leur « tare »). Soit pour plaire à leurs parents et leur rendre hommage pour tous leurs sacrifices, soit pour se faire accepter par les copains à lʼécole malgré la différence.
  • soit les parents ont très bien réussi leur vie, ils sont des modèles (universitaires, intelligents, beaux, très doués) tellement hauts que lʼenfant sent quʼil nʼarrivera jamais à leur niveau. Cʼest là où lʼenfant a oublié le « making of » de la vie de ses parents, et les milliers dʼéchecs et de tentatives ratées pour en arriver là où ils sont aujourdʼhui. Comme si les parents avaient été directement parfaits sans faire dʼefforts, irradiant comme des dieux qui ne sʼentrainent pas et nʼéchouent pas.

  • Frédéric Fanget résume très bien la pensée profonde des perfectionnistes: « Si les autres mʼaiment, alors cʼest que je vaux quelque chose. Donc je dois paraître parfaite pour me faire aimer ». (page 60)

    Monica Ramirez confirme cette idée : « En général, les enfants se voient comme leurs parents les voient ». (page 252)

    Sortir du perfectionnisme


    Il y a plusieurs éléments importants pour devenir moins perfectionnisme. Chaque point est important et aucun ne peut suffire sʼil nʼest pas travaillé avec les autres. Changer prend du temps, aussi faut il être patient et se donner le temps de faire chaque technique, lʼune après lʼautre, plutôt que vouloir guérir en 2 jours comme si ce nʼétait pas une vraie pathologie.

    1° diminuer les horaires afin de ne pas faire 13 mois en 12 mois, ne plus faire 50 heures par semaine. On commence par ne plus apporter de travail à la maison, puis sortir un peu plus tôt le soir (retirer 30 minutes toutes les semaines, jusquʼà arriver aux mêmes horaires que les collègues), prendre les mêmes pauses que les autres, prendre le temps de manger tranquillement le midi. Cʼest tout un challenge pour le perfectionniste de comprendre que le repos permet au cerveau de tenir jusquʼà la retraite, plutôt que bruler toutes les réserves en quelques années.

    2° réintégrer une part de loisirs, et tolérer la culpabilité que cela va engendrer, car le travail nʼest pas une fin en soi. Les loisirs permettent de souffler, de repartir plus sérieusement au travail après coup. Travailler sans cesse est un calvaire qui ne provoquera que la procrastination à terme. Les loisirs permettent de couper, recharger les batteries, et faire se développer la personnalité qui est pour le moment très aride et inhibée vu que la personne nʼaccorde du temps quʼau travail.

    3° bien comprendre que les modèles que nous apprécions sont imparfaits et ont démultiplié les échecs avant dʼen arriver là où ils sont. Aucun nʼest né parfait, aucun ne maitrisait les choses déjà à la naissance. Ils ont essayé des milliers de fois les mêmes choses, ont échoué autant de fois, jusquʼà ce quʼils y arrivent. Cela veut dire que pour eux, cʼest une évidence quʼil nʼy a pas de réussite sans échec, pas de maitrise sans « essai-erreur ». Lʼapprentissage par les neurones exige que les neurones enregistrent une information. Et pour que les neurones enregistrent et comprennent quelque chose, il faut en moyenne plus de 20 à 25 répétitions de cette chose. Les perfectionnistes partent du principe, eux, quʼils devraient réussir tout de suite, du premier coup, ce qui est une aberration physiologique. La personne qui réussit tout est la personne qui sait très bien que le cerveau a besoin de x répétitions pour réussir. Car ses parents lui ont fait comprendre que le cerveau est capable de tout quand on lui laisse le temps, sans sʼénerver ni se dévaloriser, contrairement aux parents des perfectionnistes qui devaient sʼénerver ou juger vite. Le cerveau est une machine incroyable qui peut apprendre toutes les langues et tous les métiers à partir du moment où on persévère et on lui laisse la possibilité dʼabsorber et de digérer. Certaines éducations sont visiblement idiotes au point de lʼempêcher de fonctionner normalement. On prendra soin, en conséquence, à bien comprendre que lʼeffort prime sur le résultat. Quand on sait quʼon a fait les choses avec bonne conscience, avec sérieux, quʼon a persévéré, le résultat compte peu car il viendra à un moment ou à un autre. Si ce nʼest pas demain cela sera dans un mois, car de toute façon le cerveau est condamné à réussir à force de répétitions. Dans cette société de la télévision, dans laquelle les stars nʼont pas dʼâge, ou Photoshop corrige la peau et les rides, les gens nʼont plus aucun repère de normalité, de « making of ». Ces stars ne parlent pas de leur making of, alors que bien évidemment il existe et il repose sur des milliers dʼheures dʼefforts. Se focaliser sur le résultat final au détriment des efforts fournis, cʼest opter pour ne plus jamais rien faire de sa vie puisque rien ne réussit en 10 secondes. Cʼest ce que les bons modèles nous apprennent: Tal Ben Shahar cite Theodore Roosevelt dans son livre LʼApprentissage de lʼimperfection : « Ce nʼest pas la critique qui compte, comme dʼexpliquer pourquoi lʼhomme fort est tombé, ou pourquoi certains prétendent quʼils auraient pu mieux agir sʼils avaient été à sa place. Le crédit revient toujours à lʼhomme dans lʼarène dont le visage est couvert de poussière, de sueur et de sang, qui lutte vaillamment, qui connaît le grand enthousiasme, la grande dévotion de se consacrer à une noble cause, qui connaitra, dans le meilleur des cas, le triomphe dʼavoir achevé quelque chose de grand ou, sʼil échoue, le sentiment dʼavoir osé, de telle sorte que sa place ne sera jamais parmi les esprits timorés qui ne connaissent ni victoire ni défaite » (Discours à la Sorbonne, le 23 avril 1910).

    4° sʼaffirmer et apprendre à dire non : pour avoir moins de travail, de meilleurs délais, faire respecter les différentes facettes de notre personnalité et apprendre à gérer la culpabilité. Je ne peux pas toute ma vie dire oui et accepter des masses colossales de travail parce que je ne sais pas dire non de peur de déplaire. Apprendre à sʼaffirmer permet dʼéviter ce piège et, après coup, permet le développement de la personnalité. En effet, lʼêtre humain ne fait pas pipi sur les murs comme les animaux pour délimiter son territoire. Il sʼexprime, il marque son territoire par le langage. Sʼil ne sait pas dire non, il nʼa plus de territoire. Et comme ce territoire est autant matériel que psychique, cʼest une évidence que la personnalité se définit fortement quand on apprend à dire non.

    5° écrémer les activités dans lesquelles la personne est perfectionniste, surtout sʼil nʼy a aucun danger à lʼêtre moins : le rangement de la maison, le repassage de choses qui ne méritent pas dʼêtre repassées, la perfection de la présentation des documents au travail, etc.

    6° placer la barre moins haut sans tomber dans « le tout ou rien », en acceptant, par exemple, de diminuer le nombre de références nécessaires à un travail : 3 livres plutôt que 10, 5 pages internet plutôt que 20, par exemple. Prendre des choses moins difficiles, avoir des challenges moins extrêmes, que cela soit la difficulté dʼun morceau de piano, la longueur dʼun jogging, la perfection dʼun régime (le 0 sucres et gras marche moins bien que retirer uniquement 50% de sucres et de gras, tolérer quelques dérapages de temps en temps marche mieux que le tout ou rien « soit je réussis le régime parfait pendant 6 mois soit je mange un pot de Nutella demain car je suis déçue de moi aujourdʼhui »). Au niveau professionnel, cʼest aussi accepter que les demandes du patron sont comme ceci et pas forcément comme la culpabilité et les scrupules lʼexigent : le patron veut 2 pages, la culpabilité 5. Le patron veut 10 diapositives Powerpoint, la culpabilité 30. A la fin on se demande si le perfectionniste a peur de déplaire à son patron ou à la voix des parents dans la tête.

    7° fragmenter les taches, faire une trame, fixer une limite de durée, ...
    Beaucoup de soucis sont dus à une mauvaise méthodologie : les perfectionnistes prennent tout en même temps, voient tout comme une globalité, ce qui les angoisse. Il est plus intéressant de décomposer les choses : quels sont mes chapitres, sous chapitres, combien de sous parties, quel nombre de pages par parties. Puis quel temps imparti pour chaque partie ? Quelle date dans lʼagenda pour rédiger chaque élément ? Pour lʼorganisation dʼune soirée : je dois acheter quoi, appeler qui, réserver quoi, louer quel endroit, démarcher qui ? Quelle date pour chacun de ces éléments ? Une patiente avait, par exemple, pour un déménagement qui lʼangoissait énormément, dressé la liste suivante : acheter des cartons (lundi), mettre tous les objets dans les cartons (mardi, mercredi), démonter les meubles (jeudi), aller chercher les clés du nouvel appartement (vendredi), acheter de nouveaux meubles avec mon père (vendredi), installer ces meubles (samedi), prendre le camion et tout mettre dedans (dimanche et lundi), tout mettre dans le nouvel appartement (mardi), refaire le vernis du parquet de lʼancien appartement (mercredi, jeudi), faire état des lieux et rendre les clés (vendredi), etc. Voir chaque chose écrite, séparée des autres, avec une date spécifique, lui avait donné lʼimpression que tout était clair et elle ne se sentait plus débordée comme quand elle prenait tout en même temps comme un tout indissociable. Cela sous entend aussi classer les choses par priorité plutôt que tout mettre sur le même pied dʼégalité. Et de manière générale, cʼest cette méthodologie de la fragmentation des taches sur papier avec les jours, les heures, et la masse de travail selon le temps imparti qui sauvera la peau des perfectionnistes. Et pas « la masse de travail exigée par ma culpabilité indépendamment du temps imparti », qui est un piège total

    8° demander de lʼaide, déléguer, même si cela provoque de la culpabilité, car il est illusoire de croire que les modèles de perfection que nous avons en tête ont tout appris tout seul sans aide, sans conseils et sans autres bras.

    9° la technique du « motivant démotivant » : « je dois me lever, me doucher, rédiger mon CV, refaire ma lettre de motivation, aller sur internet, recopier les 10 adresses dʼentreprises, tout écrire, puis tout poster. Cela fait un mois que je dois le faire mais ça me démotive à la simple idée de le faire ». Oui, cʼest démotivant car il y a trop de choses à faire. On va reprendre cette liste, et on va retirer un élément après lʼautre, et autant dʼéléments quʼil le faut jusquʼà ce quʼon sente à lʼintérieur du ventre que ça devient motivant. Si cela finit uniquement par « je dois me lever, me doucher, rédiger mon CV, refaire ma lettre de motivation » et cʼest tout, cʼest déjà très bien, car au moins cela sera terminé ce soir, et on pourra attaquer la suite les jours suivants. Mais persister à vouloir tout faire dʼun seul coup, alors que cela fait un mois que cʼest démotivant, cʼest ne pas respecter les cadences du cerveau et partir pour un deuxième mois infertile.

    10° fêter les réussites, car il faut bien que le cerveau comprenne quʼelles sont importantes, quʼelles méritent des félicitations. Cela permettra de reprogrammer ce cerveau qui nʼa enregistré que les critiques dans lʼenfance et rien dʼautre. Une éducation saine repose sur la critique des mauvaises actions et la gratification pour les bonnes actions. Lʼéducation des perfectionnistes est plutôt construite sur la critique des mauvaises actions ou des actions neutres ou moyennes, et lʼabsence de compliments quand les choses vont bien (ou des compliments quand il y a de bonnes notes, mais pas de chaleur en dehors du scolaire). Ce qui fait que le cerveau a une carence totale en sensations positives. Ce que la personne doit sʼefforcer de lui redonner maintenant. Cela est dur au début, puis on commence à sʼy faire avec le temps.

    11° libérer lʼenfant imparfait qui a été malmené par les parents trop exigeants,
    en écrivant une lettre à ces parents, lettre qui ne sera jamais envoyée, mais dans laquelle on va dire tout ce que lʼon ressent : que lʼon a détesté nos parents de nous vendre cette optique de vie, quʼon en a marre de vouloir tout le temps plaire de peur de se sentir mal, quʼon aurait aimé aussi des encouragements et des câlins quand on nʼy arrivait pas, que nos parents ont oublié de nous dire que, eux aussi, avaient échoué mille fois avant de réussir et quʼils ont gravement abusé de ne pas nous le dire, quʼon ne parlait que scolaire scolaire et scolaire à la maison et de rien dʼautre, et quʼon aurait aimé pouvoir de temps en temps échanger avec eux sur les choses superficielles typiques de nos âges. Car toute cette éducation, pour rien au monde on ne la revendrait à nos propres enfant quand on voit les ravages quʼelle a eu sur nous. Culpabilité, gros yeux, froideur affective plutôt quʼencouragements, jamais de « tu y arriveras, jʼai confiance en toi », ou de « tu nʼas pas réussi mais ça nʼest pas grave, tu nʼes pas obligé de réussir, je tʼaime de toute façon ».

    Sortir du perfectionnisme, cʼest tout cela à la fois, avec une bonne dose de tendresse pour nos imperfections, afin de faire sortir de nos têtes ces modèles extra terrestres, inhumains, qui ont bien pris soin de ne jamais dire que le cerveau a besoin de répétitions et dʼerreurs pour avancer, et quʼil nʼavance quʼà cette condition et uniquement à cette condition. On aura beau retourner le problème dans tous les sens, ils sont quand même étranges ces parents qui ne nous ont pas dit ce quʼétait la normalité du cerveau. A croire quʼils ont réglé leurs problèmes personnels sur leurs enfants. Peut être parce quʼils voulaient nous motiver pour notre bien. Peut être parce quʼils ont été eux mêmes éduqués comme cela... A la limite, ce nʼest pas très important, cʼest du passé. La seule chose qui compte, cʼest quʼil faut arrêter dʼempêcher le cerveau de faire son boulot et revenir à la biologie normale : un cerveau, pour apprendre, a besoin dʼintégrer une information répétée 25 fois. Essayez 25 fois, vous verrez que cʼest très agaçant mais ça marche infiniment mieux que 2 ou 3 essais.

    Références bibliographiques


  • Monica Ramirez Basco : Ces gens qui sont perfectionnistes. Peuvent-ils être heureux ? Les Editions de lʼHomme, 2009
  • Frédéric Fanget : Toujours Mieux ! Psychologie du perfectionnisme. Editions Poches Odile Jacob, 2006
  • Anne Hélène Clair, Vincent Trybou : Comprendre et traiter les troubles obsessionnels compulsifs. Editions Dunod, 2013
  • Minuchin S., Rosman B.L., Baker L. Psychosomatic Families : Anorexia Nervosa in Context. Cambridge, MA, Harward I, University Press, 1978
  • Brookings J.B., Wilson J.F. « Personality and the family-environment predictors of self-reported eating attitudes and behavior », Journal of Personality Assessment, 1994, 63, p. 313-326.
  • Blatt S.J., « The Destructiveness of perfectionism : implications for the treatment of Depression », American Psychologist, 1995, 50, p. 1003-1020.
  • Young J. : La Thérapie centrée sur les schémas. De Boeck, 2005
  • Pleux D. : Peut Mieux Faire. Paris, Odile Jacob, 2001
  • Tal Ben Shahar : Lʼapprentissage de lʼimperfection. Pocket, 2010

  • Perfectionnisme
    12: Lien avec mon caractère perfectionniste ?